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année 1772.

Moustapha. Les gazettes disent qu’elle achète un diamant[1] d’environ trois millions à Amsterdam ; j’espère que Moustapha payera ce brillant en signant le traité de paix, s’il sait écrire.

Votre extrême indulgence m’a accoutumé à la hardiesse de questionner une impératrice : cela n’est pas ordinaire ; mais, en vérité, il n’y a rien de si extraordinaire dans le monde entier que Votre Majesté, aux pieds de laquelle se met, avec le plus profond respect,

Le Vieux Malade de Ferney.
8613. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
28 auguste.

Mon cher ange m’écrit du 22 ; mais n’a-t-il point reçu le paquet des Lois de Minos que je lui avais dépêché par M. Bacon, substitut de monsieur le procureur général ? Il me parle de la fête de la Saint-Barthélemy, mais pas un mot de Minos. J’ai peur que messieurs de la poste ne se soient lassés de favoriser mon petit commerce de tragédies et de montres, que je faisais assez noblement. J’ai essuyé les plus grandes difficultés et les plus cruels contre-temps, dont ni tragédie, ni comédie, ni petits vers, ni brochures, ne peuvent guère me consoler ; mais si Minos ne vous a point été rendu, que deviendrai-je ?

J’ai toujours été persuadé que le procureur qui a joué le rôle de magistrat avec Du Jonquay est punissable ; et que Desbrugnières, le pousse-cul, mérite le pilori[2] ; que M. de Morangiés a cru attraper les Du Jonquay en se faisant prêter par eux cent mille écus qu’il ne pouvait rendre ; qu’il a été attrapé lui-même ; que, dans l’ivresse de l’espérance de toucher cent mille écus dans trois jours, il a signé des billets avant d’avoir l’argent ; mais je tiens qu’il est impossible que les Du Jonquay aient eu cent mille écus.

Dieu veuille que je ne perde pas cent mille écus à mes manufactures !

Minos me consolera un peu, s’il réussit ; mais vraiment, pour le Dépositaire, je ne suis pas en état d’y songer : Minos a toute mon âme.

  1. Il y eut de grandes négociations pour ce diamant (voyez les Mémoires de la margrave d’Anspach, tome 1er, pages 142-145), qui fut acquis moyennant quatre cent cinquante mille roubles et des lettres de noblesse.
  2. Voyez tome XXVIII, pages 506 et 507.