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CORRESPONDANCE.

8447. — À M. ***[1].
À Ferney, 28 décembre.

Ce n’est pas du tout, monsieur, ma défiance du gouvernement qui me force à vendre, c’est la nécessité. Il me faut cent mille livres pour soutenir ma colonie, ou que j’aie la douleur et la honte de la voir périr ; je ne veux pas mourir avec cet opprobre.

J’ai déjà quelques deniers ; mais il m’en manque beaucoup. Si vous pouvez étendre vos bontés jusqu’à me faire toucher quatre-vingt mille livres en divers payements, vous soutiendrez trois fabriques considérables qui vont tomber. Mon unique but est de faire du bien : c’est ce qui me remplit de confiance en vos bontés. Je vous supplie donc de vouloir bien ordonner qu’on vende jusqu’à concurrence de quatre-vingt mille livres d’argent comptant, rendu chez moi. C’est votre destinée de m’aider dans mes tribulations, et la mienne d’être, avec la plus respectueuse reconnaissance, monsieur, votre, etc.

8448. — À M. PERRET[2],
avocat au parlement de dijon.
À Ferney, le 28 décembre.

Je vous remercie, monsieur, de nous avoir fait connaître nos usages barbares. J’ai lu ce qui regarde l’esclavage de la mainmorte, avec d’autant plus d’attention et d’intérêt que j’ai travaillé quelque temps en faveur de ceux qu’on appelle Francs, et qui sont esclaves, et même esclaves de moines. Saint Pacôme et saint Hilarion ne s’attendaient pas qu’un jour leurs successeurs auraient plus de serfs de mainmorte que n’en eut Attila ou Genseric. Nos moines disent qu’ils ont succédé aux droits des conquérants, et que leurs vassaux ont succédé aux peuples conquis. Le procès est actuellement au conseil. Nous le perdrons, sans doute tant les vieilles coutumes ont de force, et tant les saints ont de vertu !

On rit du péché originel, on a tort. Tout le monde a son

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Claude Perret, né à Verdun-sur-Doubs en 1720, mort à Dijon le 9 août 1788, avait publié des Observations sur les usages des provinces de Bresse, Bugey, Valmorey et Gex, 1771, in-4°.