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ANNÉE 1771.
8446. — À M. SISSOUS DE VALMIRE[1].
À Ferney, 27 décembre.

J’ai reçu, monsieur, ces jours passés, la lettre dont vous m’avez honoré, avec un livre qui sert à m’instruire. J’y découvre beaucoup de profondeur, de finesse et d’esprit.

Je ne suis pas surpris de ne pas voir l’approbation d’un docteur de Sorbonne, suivie d’un privilège. J’ignore si les philosophes sont aussi effarouchés que les docteurs.

Vous avez su, par la sagacité de votre esprit, résoudre des problèmes qui sont fort au-dessus de la plupart de nos raisonneurs, et même des gens raisonnables.

Deux et deux font quatre c’est un principe d’où résultent beaucoup de vérités.

L’égalité des angles qui ont même base et même hauteur : voilà aussi une belle proposition.

Mais pour le quaternaire de Pythagore et le ternaire de Timée, je suis leur serviteur.

Au reste, personne, à mon gré, n’a mieux réussi que vous à rectifier ces idées chimériques, et à porter des traits de lumière dans les rêveries des anciens.

Vous vous êtes élevé bien haut :


Sub pedibusque videt nubes et sidera Daphnis.

(Virg., ecl. v, v. 57.)


Je n’aurais point osé prendre ce vol ; mais il est aussi ferme que difficile.

Plût à Dieu que le platonisme n’eût jamais produit d’autre livre que le vôtre ! Vous savez combien de maux il a causés, sans que Platon s’en soit jamais douté. C’est ainsi qu’après la mort des gens il arrive souvent bien des maux qu’ils n’auraient pas soupçonnés pendant leur vie.

Je suis, monsieur, avec toute l’estime que je vous dois, etc.

  1. Sissous de Valmire, avocat du roi au bailliage de Troyes, est mort à la fin de 1819. Il est auteur d’un ouvrage intitulé Dieu et l’Homme, 1771, in-12, dont nous avons déjà parlé tome XXVIII, page 129.