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ANNÉE 1771.

irait à tous les diables, les maisons que j’ai bâties pour loger mes artistes deviendraient inutiles, et tout l’excès de ma vanité serait confondu. Si on me protège, je suis homme à bâtir une ville ; si on m’abandonne je reste écrasé dans une chaumière, et bien puni d’avoir voulu être fondateur à l’âge de soixante-dix-huit ans passés ; mais il faut faire des folies jusqu’au dernier moment : cela amuse un vieux malade qui est toujours passionné pour votre grandeur, pour votre gloire et pour vos plaisirs, et qui vous aimera jusqu’au dernier moment de sa vie, avec le plus profond respect.

Je vous demande encore pardon de la lettre suisse, qui me paraît un peu hasardée.

8440. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
Décembre.

Je n’ai point changé d’avis, monsieur, depuis que je vous ai vu. Je déteste toujours les assassins[1] du chevalier de La Barre, je respecte le gouvernement du roi. Rien n’est si beau que la justice gratuitement rendue dans tout le royaume, et la vénalité supprimée. Je trouve ces deux opérations admirables, et je suis affligé qu’on ne leur rende pas justice. La reine de Suède disait que la gloire d’un souverain consiste à être calomnié pour avoir fait du bien.

Monsieur le premier président de Toulouse[2] me mande que la première chose qu’il a faite avec son nouveau parlement a été de rendre une entière justice aux Sirven, et de leur adjuger des dépens considérables. Songez qu’il ne fallut que deux heures pour condamner cette famille au dernier supplice, et qu’il a fallu neuf ans pour faire rendre justice à l’innocence.

J’apprends que les assassins du roi de Pologne avaient tous communié, et fait serment à l’autel de la sainte Vierge d’exécuter leur parricide. J’en fais mes compliments à Ravaillac et au révérend père Malagrida.

Mais j’aime mieux me mettre aux pieds de Mme Dix-neufans, que je soupçonne avoir vingt ans, et que vous avez empêchée de rester vierge.

Quand vous serez à Versailles, je pourrai vous envoyer un

  1. C’est-à-dire les membres de l’ancien parlement.
  2. Bastard.