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ANNÉE 1771.

Vous avez raison de me dire, monsieur, que je m’intéresse à tous les arts et aux objets du commerce :


Tous les goûts à la fois sont entrés dans mon âme[1].


Quoique octogénaire, j’ai établi des fabriques dans ma solitude sauvage ; j’ai d’excellents artistes qui ont envoyé de leurs ouvrages en Russie et en Turquie ; et si j’étais plus jeune, je ne désespérerais pas de fournir la cour de Pékin du fond de mon hameau suisse.

Vive la mémoire du grand Colbert, qui fit naître l’industrie en France,


Et priva nos voisins de ces tributs serviles.
Que payait à leur art le luxe de nos villes !

(Boileau, ép. I, v. 141-2.)

Bénissons cet homme qui donna tant d’encouragement au vrai génie, sans affaiblir les sentiments que nous devons au duc de Sully, qui commença le canal de Briare, et qui aima plus l’agriculture que les étoffes de soie. Illa debuit facere, et ista non omittere[2].

Je défriche depuis longtemps une terre ingrate ; les hommes quelquefois le sont encore plus ; mais vous n’avez pas fait un ingrat, en m’envoyant le plan de l’ouvrage le plus utile.

J’ai l’honneur d’être, avec une estime égale à ma reconnaissance, etc.

8431. — À M. MOULTOU[3].
Ferney, 6 décembre 1771.

Mon cher philosophe, vous m’avez cruellement abandonné ; vous ne venez plus coucher dans notre ermitage. Il faut pourtant que je vous dise que le nouveau parlement de votre Languedoc vient de rendre une justice pleine et entière à Sirven. Il lui accorde des dépens considérables et la restitution de ses revenus, malgré l’ancien usage. Nous allons prendre les premiers juges à partie, au nom des filles de Sirven. C’est monsieur le premier président qui a la bonté de me mander ces nouvelles.

  1. Épître à une dame ou soi-disant telle, vers 12 ; voyez tome X, page 275.
  2. Il y a dans Matthieu, xxiii, 23 : « Hæc opportuit facere, et illa non omittere. »
  3. Éditeur, A. Coquerel.