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ANNÉE 1771.

savoir jusqu’où elle a été poussée. Timeo Danaos dona ferentes[1], et Romanos ridentes.

J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre, etc.

8426. — DE CATHERINE II[2],
impératrice de russie.
Décembre 1771.

Monsieur, par votre lettre du 12 novembre, je vois avec affliction que l’argent pour les fabricants de montres ne vous a pas encore été remis, et, qui plus est, que ces pauvres gens en ont besoin. Je ne sais à quoi attribuer ce retardement, qui me peine extrêmement. J’espère que cette lettre de change n’a pas été soustraite comme celle que j’envoyai à M. Diderot un jour, et qui se perdit à la poste, entre Paris et la frontière de France : toutes les autres postes avaient le paquet marqué sur leurs cartes. On croyait par là persuader les gens que je n’avais point d’argent ; mais à quoi peuvent servir des ruses aussi mesquines, si ce n’est à montrer la petitesse d’esprit et l’aigreur ? L’une et l’autre ne sauraient produire ni estime, ni considération. J’ai fait ordonner au sieur Friederichs, mon banquier, de prendre ses précautions.

Ma flotte a tant pris de magasins aux Turcs à Négrepont, à Volo, à Cavallo, à Magria, à Livia, et dans plusieurs autres endroits, sans compter les prises sur mer, que j’ose croire qu’elle aura moins de disette que ceux qui lui en supposent. Je veux bien croire qu’il leur faut plus de provisions qu’ils n’avaient calculé d’abord, vu le nombre d’Albaniens qui s’est joint à eux ; mais les dépêches que le dernier courrier m’a apportées de là, il y a huit jours, ne parlent point de manque de subsistances pour le présent. Les maladies de Moscou sont diminuées considérablement, grâce aux précautions prises et aux froids.

8427. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Ferney, ce 6 décembre.

Sire, je n’ai jamais si bien compris qu’on peut pleurer et rire dans le même jour. J’étais tout plein et tout attendri de l’horrible attentat commis contre le roi de Pologne[3], qui m’honore de

  1. Æn., II, 49.
  2. Collection de Documents, Mémoires et Correspondances, etc., publiée par la Société impériale de l’histoire de Russie, tome XV, page 197. — Cette lettre paraît pour la première fois dans les Œuvres de Voltaire.
  3. Stanislas-Auguste, le 3 novembre.