verrai pas croître ; mais la postérité les verra, et elle dira : Voilà les bienfaits de celle qui érigea le temple de Mémoire.
Les artistes de Ferney ont reçu l’argent que Votre Majesté a eu la bonté de leur envoyer. Ils sont à vos pieds comme moi. Je ne me souvenais pas de vous avoir parlé d’une pendule ; mais si vous en voulez, vous en aurez incessamment : Votre Majesté n’aurait qu’à fixer le prix, je lui réponds qu’elle serait bien servie, et à bon compte. Ce n’est peut-être pas le temps de proposer un commerce de pendules et de montres avec la Chine ; mais votre universalité fait tout à la fois. C’est là, selon mon avis, la vraie grandeur, la vraie puissance.
Les Genevois ont bien établi un petit commerce de montres à Kanton ; Votre Majesté pourrait en établir un dans l’endroit où les Russes commercent avec les Chinois. Un homme de confiance pourrait envoyer de Pétersbourg à Ferney les ordres auxquels on se conformerait ; mais j’ai bien peur que ce plan ne tienne un peu de la proposition des chars de guerre de Cyrus. Vous avez très-bien battu les Turcs sans le concoure de ces beaux chars de guerre à la nouvelle mode.
Je me flatte qu’à présent le comte Alexis Orlof leur a pris le Négrepont sans aucun char : il ne vous faut que des chars de triomphe. Je me mets de loin derrière eux, et je crie Io trionfo d’une voix très-faible et très-cassée, mais qui part d’un cœur pénétré de tout ce que Votre Majesté impériale peut inspirer à l’ermite, etc.
Vous vous moquez de moi, mon bon Voltaire ; je ne suis ni un héros, ni un océan[2], mais un homme qui évite toutes les querelles qui peuvent désunir la société. Comparez-moi plutôt à un médecin qui proportionne le remède au tempérament du malade. Il faut des remèdes doux pour les fanatiques : les violents leur donnent des convulsions. Voilà comme je traite les prédicants de Genève, qui ressemblent plus, par leur véhémence, aux réformateurs du xve siècle qu’à la génération présente.
Il y a longtemps que j’ai lu la brochure du Droit des hommes et de l’Usurpation des papes[3]. Vous croyez donc que les Semnons ne sont pas
- ↑ Le 13 novembre 1771. (Œuvres posthumes.)
- ↑ Voyez lettre 8389.
- ↑ Tome XXVII, page 193.