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CORRESPONDANCE.

espérances pour Athènes, à laquelle je suis toujours attaché en faveur de Sophocle, d’Euripide, de Ménandre, et du vieil Anacréon mon confrère, quoique les Athéniens soient devenus les plus pauvres poltrons du continent. Mais d’où vient que Raguse, l’ancienne Épidaure (à ce qu’on dit), laquelle appartint si longtemps à l’empire d’Orient, c’est-à-dire au vôtre, se met-elle sous la protection de l’empire d’Occident ? Y a-t-il donc d’autre protection à présent que celle de mon héroïne ? Que font les savii grandi de Venise ? Pourquoi ne reprennent-ils pas le royaume de Minos, pendant que les braves Orlof prennent le royaume de Philoctète ? C’est qu’il n’y a actuellement rien de grand dans l’Europe que mon auguste Catherine II, à qui j’ai voué mes derniers soupirs.

J’étais bien malade ; la nouvelle de Giorgiova m’a ressuscité pour quelque temps, et je respire encore avec le plus profond respect et la plus vive reconnaissance pour Votre Majesté impériale.

Le vieux Malade de Ferney.
8397. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
8 novembre.

Mon cher ange, il y a des temps durs à passer dans la vie ; je suis dans une de ces époques, et mon royaume n’a jamais été de ce monde. Je compte pourtant vous envoyer tout ce que vous avez bien voulu commander à notre fabrique. Je vous promets de ne point brûler la petite lettre du 2 novembre, contenant vos instructions.

Je ne puis vous envoyer le petit écrit que je fis l’année passée, en faveur des esclaves de Saint-Claude. Je n’en ai plus d’exemplaires, je n’en retrouve plus ; c’était un petit préliminaire assez vague, et qui ne servirait de rien à celui qui voudrait rapporter l’affaire. C’était la voix qui criait dans le désert : Préparez les chemins pour Christ ou pour Christin.

Je sais que plusieurs personnes puissantes, qui ont des mainmortables, et qui craignent un règlement sur cet abus, sollicitent vivement contre nous. Ces personnes ne savent pas qu’il y aurait à gagner pour elles si on supprimait la mainmorte en France, comme elle est supprimée depuis peu en Savoie. Leur

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.