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CORRESPONDANCE.
8363. — À M. D’ALEMBERT.
13 septembre.

Mon très-cher philosophe, tâchez que nous ayons une douzaine de comtes de Crillon et de princes de Salm à la cour de France, et quelques rois de Prusse à l’Académie, alors tout ira bien.

Je vois qu’on réforme tous les parlements ; mais je suis sûr qu’aucun ne prêtera son ministère au rappel des jésuites. S’ils reparaissaient, ce ne serait que pour être en horreur à la France ; et la philosophie y gagnerait, bien loin d’y perdre. Nous aurions le plaisir de voir les loups et les renards se mordre, et le petit troupeau des philosophes serait en sûreté.

On dit que vous avez prononcé à l’Académie un discours aussi agréable qu’instructif[1]. Ne permettrez-vous pas qu’on l’imprime dans les papiers publics ? Vous ne dites jamais que des vérités éloquentes ; il n’est pas juste que nous en soyons privés.

On m’a envoyé un imprimé d’un autre genre. C’est une Apparition de Notre Seigneur Jésus-Christ dans une paroisse de l’évêché de Tréguier en Basse-Bretagne[2], et un discours qu’il a prononcé devant monsieur l’évêque sur les péchés des Bas-Bretons ; le tout avec approbation et privilège. Cela est bien consolant, et vaut assurément tous vos discours académiques.

Adieu, mon cher et respectable ami ; je suis toujours souffrant et aveugle. Si j’étais Bas-Breton, Jésus-Christ m’aurait guéri ; mais je vois bien qu’il ne se soucie pas des Suisses.

8364. — À M. BORDES.
13 septembre.

Mon cher philosophe, j’ai eu l’honneur de voir votre filleule, et j’ai reconnu son parrain : elle en a l’esprit et les grâces. Que n’êtes-vous le parrain de toute la ville de Lyon ! J’ai presque oublié mon âge et mes souffrances en voyant Mme de La Bévière.

On m’a mandé qu’on avait puni dans Lyon, d’un supplice égal à celui de Damiens, un homme qui avait assassiné sa mère ; que ce spectacle attira une foule prodigieuse ; et que le lende-

  1. Voyez, dans les Œuvres de d’Alembert, le Discours lu à l’Académie française le 25 août 1771, avant la distribution des prix d’éloquence et de poésie.
  2. Voyez ce récit, tome XX, page 448.