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ANNÉE 1771.

partis… J’ignore, monsieur, si c’est pour la Bourgogne, où vous m’aviez mandé que vous deviez aller, si c’est pour la Champagne ou pour la ville de Mende.

Vous nous aviez flattés que vous vous souviendriez de nous sur votre route. J’ai vécu dans cette espérance, qui m’a soutenu dans les misères de mes maladies. Je ne vous ai point écrit, parce que j’ai compté sur la consolation de vous parler : ce qui est beaucoup plus agréable et beaucoup plus sûr.

J’adresse ma lettre à Paris, qui vous sera sans doute renvoyée où vous êtes. Je vous demande en grâce de m’instruire de votre marche. Mme Denis se joint à moi pour vous en prier. Vous savez combien nous sommes attachés à M. le lieutenant des gardes et à Mme Dix-neuf ans.


8340. — DE CATHERINE II,
impératrice de russie
Le 16-27 juillet.

Monsieur, je crois vous avoir mandé[1] la prise des lignes de Pérékop par assaut, et la fuite du kan de Crimée à la tête de soixante mille hommes, et la réduction du fort d’Orka, qui s’est rendu par accord le 14 juin. Après cela mon armée entra sur trois colonnes en Crimée : celle de la droite s’empara de Koslof, port sur la mer Noire ; celle du milieu, que commandait le prince Dolgorouki en personne, marcha vers Karasbasar, où il reçut une députation des chefs des ordres de la Crimée, qui proposèrent une capitulation pour toute la presqu’île. Mais comme leurs députés tardèrent à revenir, le prince Dolgorouki s’avança vers Caffa, autre port sur la mer Noire. Là il attaqua le camp turc, dans lequel il y avait vingt-cinq mille combattants, qui s’enfuirent sur les vaisseaux qui les avaient amenés. Le sérasquier Ibrahim-pacha, étant resté seul, envoya pour capituler ; mais le prince lui fit dire qu’il devait se rendre prisonnier de guerre, ce qu’il fit.

Nos troupes entrèrent donc dans Caffa, tambour battant, le 29 juin. En attendant, la colonne gauche avait traversé la langue de terre qui est entre la mer d’Azof et la Crimée, d’où l’on envoya un détachement qui s’empara de Kertz et de Senikale, ce qui se fit tout de suite : de façon que notre flotte d’Azof, qui se tenait dans le détroit, prête à le passer, doit être à l’heure qu’il est à Caffa. Le prince Dolgorouki m’écrit qu'à la vue du port il y a trois pavillons russes qui croisent.

Je me hâte de vous mander ces bonnes nouvelles que j’ai reçues ce matin, sachant la part que vous y prendrez. Vous excuserez aussi, en faveur de ces nouvelles, le peu d’ordre que j’ai mis dans cette lettre, que je vous écris fort à la hâte.

  1. Lettre 8323.