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CORRESPONDANCE.

prendrai la liberté de lui en adresser un, et il peut compter que je lui dirai exactement la vérité.

Je vous enverrai le mémoire : vous en jugerez ; et si vous le trouvez convenable, je vous demanderai votre protection. Je n’ai d’autre patrie que le petit asile que je me suis formé, et dont vous avez daigné voir les commencements. Le climat est bien rude ; mais le pays est de la plus grande beauté. Il est triste de perdre la vue dans un endroit qui ne peut plaire qu’aux yeux ; mais il est bien plus triste de penser qu’on mourra sans vous avoir fait sa cour, sans avoir joui des charmes de votre conversation, sans avoir vu dans son beau salon celui qui fait tant d’honneur à la France, et qui rappelle les brillantes idées du beau siècle de Louis XIV. Je n’aurai donc que des regrets à vous offrir, qu’une admiration stérile, et qu’un attachement aussi inutile que respectueux et tendre.


8338. – À M. LE COMTE DE LA TOURRETTE[1].
23 juillet.

Mes souffrances continuelles, monsieur, ne m’ont point empêché de sentir vivement l’honneur que messieurs vos neveux m’ont fait. Si j’étais en état de suivre mon goût, je viendrais certainement leur rendre leur visite. Il y a quinze ans que je fais le projet de venir présenter mes respects à toute votre famille, et surtout à vous. Je n’ai jamais trouvé le moment de pouvoir l’exécuter.

Quoique j’aie presque perdu la vue, j’ai cherché dans un tas énorme de papiers la Henriade toscane. Je ne sais si elle ne serait point entre les mains de M. Cramer, qui m’avait promis de l’imprimer ; mais l’Encyclopédie s’est emparée de toutes ses affections et de tout son temps. Il faudra bien pourtant qu’il donne un habit à cette Italienne, ou qu’il la renvoie dans son pays toute nue.

Mille tendres respects à M. de Fleurieu, votre père, à monsieur votre frère, et à toute votre famille.

Le vieux malade de Ferney.

8339. – À M. LE COMTE DE ROCHEFORT[2].
25 juillet.

M. Christin, l’avocat de douze mille esclaves contre vingt chanoines, m’écrit que M. de Rochefort et Mme Dix-neuf ans sont

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.