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ANNÉE 1771.

Je fais toujours des vœux pour Ali-bey ; mais je ne sais pas plus de nouvelles de l’Égypte que n’en savaient les Hébreux, qui en ont raconté tant de merveilleuses choses.

Comme on allait faire le petit paquet des Questions d’un ignorant sur l’Encyclopédie, mes colons de Ferney, qui se regardent comme appartenant à Votre Majesté impériale, sont arrivés avec deux caisses de leurs montres ; je les ai trouvées si grosses que je n’ai pas osé les faire partir toutes deux à la fois. J’ai mis les Questions encyclopédiques dans la caisse qui partira demain par les voitures publiques.

Je l’ai envoyée au bureau des coches de Suisse, avec cette simple adresse :

À Sa Majesté impériale l’Impératrice de Russie.

À ce nom, tout doit respecter la caisse, et il n’y a point de confédéré polonais qui ose y toucher. Votre Majesté est trop bonne, trop indulgente, et, en vérité, trop magnifique, de daigner tant dépenser en bagatelles par pure bienfaisance, lorsqu’elle dépense si prodigieusement en canons, en vaisseaux, et en victoires.

Il me semble que si vos Tartaro-Chinois de Nipchou avaient du bon sens, ils achèteraient des montres communes qu’ils revendraient ensuite dans tout leur empire avec avantage. Les Genevois ont un comptoir à Canton, et y gagnent considérablement. Ne pourrait-on pas en établir un sur votre frontière ? Ma colonie fournirait des montres d’argent du prix de douze à treize roubles, des montres d’or qui ne passeraient pas trente à quarante roubles, et elle répondrait d’en fournir pour deux cent mille roubles par an, s’il était nécessaire.

Mais il paraît que les Chinois sont trop soupçonneux et trop soupçonnables, pour qu’on entame avec eux un grand commerce qui demande de la générosité et de la franchise.

Quoi qu’il en soit, je ne suis que le canal par lequel passent ces envois et ces propositions.

J’admire autant votre grandeur d’âme que je chéris vos succès et vos conquêtes.

Je suis aux pieds de Votre Majesté impériale avec le plus profond respect et la plus inviolable reconnaissance.

P. S. Je rouvre mon paquet pour dire à Votre Majesté impériale que je reçois dans l’instant de Paris un livre in-4° intitulé Manifeste de la République confédérée de Pologne, du 15 novembre 1769 ; la date de l’édition est de 1770[1].

  1. Il y a une édition ou des exemplaires avec la date de 1771.