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ANNÉE 1770.

fort peu à Paris de ce parlement. Au bout du compte, il est dans son tort avec le roi, et l’assassinat du chevalier de La Barre et de Lally ne doit pas le rendre cher à la nation.

On dit que monsieur le chancelier prépare un nouveau code dont nous avons grand besoin. M. Chéry[1] devrait bien l’engager à mettre dans son corps de lois quelque règlement en faveur des hommes libres que des chanoines veulent rendre esclaves. Il doit savoir s’il est vrai qu’on va resserrer la juridiction de Paris dans des limites plus convenables, et qu’on ne sera plus forcé d’aller se ruiner à Paris en dernier ressort, à cent cinquante lieues de chez soi. C’est le plus grand service que monsieur le chancelier puisse rendre ; son nom sera béni.

Si j’étais à Paris, mon cher philosophe, je me ferais votre clerc, votre commissionnaire, votre solliciteur ; je frapperais à toutes les portes, je crierais à toutes les oreilles. Dès que vous serez près d’être jugé, je prendrai la liberté d’écrire à monsieur le chancelier, à qui j’ai déjà écrit[2] sur cette affaire ; vous pouvez en assurer vos clients. Je pense fermement qu’il est de son intérêt de vous être favorable, et qu’il se couvrira de gloire en brisant les fers honteux de douze mille sujets du roi, très-utiles, enchaînés par vingt chanoines très-inutiles.

Adieu, mon cher ami ; je suis à vous et à vos clients jusqu’au dernier jour de ma vie.

8199. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
6 février.

Mes anges, notre jeune homme m’a remis enfin son manuscrit[3], que je vous envoie. Je ne chercherai point à vous séduire en sa faveur ; je ne remarquerai point combien le sujet était difficile ; je ne vous dirai point que Sénèque fut un plat déclamateur, et que Jolyot de Crébillon fut un plat barbare ; je n’insisterai point sur l’artifice des premiers actes et sur la terreur des derniers : c’est à vous de juger, et à moi de me taire.

Je vous prierai seulement de songer que mon jeune homme aurait très-grand besoin d’un succès. Ce succès servirait à faire voir qu’il n’est pas possible qu’il fasse tous les ouvrages qu’on lui

  1. Avocat aux conseils du roi, chargé des intérêts des habitants de Saint-Claude, et signataire de leurs mémoires ; voyez lettre 8280.
  2. La lettre manque.
  3. Les Pélopides.