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7826. — À M. BACULARD D’ARNAUD[1].
16 mars 1770.

J’ai l’honneur d’être capucin, et, en ma qualité de moine, je vous dirai que votre moinesse de la Trappe[2] m’a infiniment touché. Je bénis Dieu que le théâtre se soutienne par l’Église. On dit que la comédie française est absolument tombée. La muse tragique se retire dans les couvents comme Mme de La Vallière se retira aux carmélites.

7827. — À M. LE DUC DE CHOISEUL.
À Ferney, 17 mars.

Notre protecteur, vous ne croyez donc pas aux femmes grosses assassinées ? Tenez, voyez, lisez. Il y a huit jours que je n’ai vu votre résident ; il se peut faire qu’on vous ait caché une partie des horreurs qui se sont passées à Genève. Très-souvent on ne sait pas dans une rue ce qu’on a fait dans l’autre. Pour moi, qui suis bien malade, et qui paraîtrai bientôt devant Dieu, je vous dis la vérité telle qu’on me l’a dite. Je n’en aime pas moins mon libraire Philibert Cramer, conseiller de Genève.

Je pardonnerai, à l’article de la mort, et pas plus tôt, à M. l’abbé Terray ; et je ne pardonnerai ni dans ce monde ni dans l’autre à ceux qui voudraient vous contrecarrer : voilà ma dernière volonté. Mes petits-neveux verront Versoy, mais moi je verrai Dieu face à face ; je vous aurais donné volontiers la préférence. Agréez le profond respect du capucin, et moquez-vous de lui si vous voulez.

7828. À MADAME LA DUCHESSE DE CHOISEUL.
17 mars.

Madame, il ne s’agit point ici de capucins, il s’agit de femmes grosses ; vous devez les protéger ; et plût à Dieu que vous le fussiez ! (car la fussiez n’est pas français, régulièrement parlant) je ferais une belle offrande à saint François mon patron. Oui, ma dame, on a assassiné des femmes grosses à Genève, et je vous

  1. Amateur d’autographes, année 1868, page 24. Ce n’est qu’un extrait.
  2. Voltaire fait allusion au drame du Comte de Comminge, imprimé en 1764 et joué seulement en 1790, que Baculard lui avait envoyé.