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CORRESPONDANCE.

Je vous supplie de lui bien dire combien je suis pénétré de ses bontés. Vous aviez bien raison quand vous me disiez qu’il était plus essentiel que bruyant. Je lui serai attaché jusqu’au dernier moment de ma pauvre vie.

Je suis bien malade, mon cher ange. Mille tendres respects à Mme d’Argental, et mille vœux pour sa santé. Je vous donne à tous deux ma bénédiction.

Frère V., capucin indigne.

Si vous êtes surpris de ma signature, sachez que je suis non-seulement père temporel des capucins de Gex, mais encore agrégé au corps par le général Amatus d’Alamballa, résidant à Rome. Voilà ce que m’a valu saint Cucufin. Vous voyez que Dieu n’abandonne pas ses dévots.

7791. — À M. COLINI.
Ferney, 20 février.

En me proposant, mon cher ami, le voyage dont vous me parlez, nous oubliez que j’ai soixante-seize ans, et que je ne sortirai de mon lit que pour aller nella bara[1] ; mais vous verrez que je ne vous ai point oublié[2].

Vous pouvez dire à Waechter[3] que non-seulement je lui achèterai des médailles, mais que je lui en ferai vendre. Le triste état de ma santé ne me permet pas de vous écrire une plus longue lettre. Je vous embrasse de tout mon cœur. V.

7792. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
21 février.

J’ai reçu, madame, le Charles-Quint anglais[4] ; je n’en ai pu lire que quelques pages ; mes yeux me refusent le service tant que la neige est sur la terre. Il est bien étrange que je m’obstine à rester dans ma solitude pour y être aveugle pendant quatre mois ; mais la difficulté de se transplanter à mon âge est si grande et si désagréable que je n’ai pu encore me résoudre à passer mon hiver dans des climats plus chauds. Je me suis

  1. Le mot, italien bara signifie bière.
  2. Colini, rapprochant cette expression de quelques autres d’autres lettres de Voltaire, explique qu’elle est l’annonce d’un legs dans son testament.
  3. Voyez paye 297.
  4. L’Histoire de Charles-Quint, par G. Robertson, né en 1721, mort en 1793, à qui est adressée la lettre 7800.