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CORRESPONDANCE.

fera les choses que vous désirez. C’est la plus belle âme que je connaisse ; il est généreux comme Aboul-Cassem, brillant comme le chevalier de Grammont, et travailleur comme M. de Louvois. Il aime à faire plaisir ; vous serez trop heureux d’être son obligé.

Je compte qu’au printemps vous serez un père de famille. Mme de Rochefort accouchera d’un brave philosophe ; il en faut de cette espèce.

Je voudrais bien vous envoyer une nouvelle édition d’une pièce[1] qui commence ainsi :


Je suis las de servir. Souffrirons-nous, mon frère,
Cet avilissement du grade militaire ?


mais je ne sais comment m’y prendre. Il est beaucoup plus aisé d’envoyer des lunettes que des livres.

L’oncle et la nièce disent tout ce qu’ils peuvent de plus tendre à M. et à Mme de Rochefort.

7711. — À MADAME ***[2].
Au château de Ferney, 19 novembre,

Madame, il est vrai que si je n’avais cru que mes sentiments respectueux pour votre personne et ma sensibilité pour votre triste état, j’aurais écrit à M. l’avocat général du sénat de Chambéry ; mais, étant partie dans cette affaire, je n’ai pas osé prendre cette liberté. Il m’a paru qu’un étranger ne devait qu’attendre le jugement et s’y soumettre. D’ailleurs, tout ce qu’on m’a dit de M. l’avocat général me fait croire que les sollicitations sont très-inutiles auprès de lui. Je sais qu’il est beaucoup mieux informé de votre affaire que je ne puis l’être. On m’assure de tous côtés qu’il est aussi bienfaisant qu’éclairé. Votre cruelle situation l’a sans doute attendri. Je vous conseille de faire comme moi, madame, d’attendre son rapport, et de vous conformer à ce qui sera décidé. Je ne puis croire que la grâce que le roi vous a faite vous devienne jamais inutile.

J’ai l’honneur d’être avec respect, madame, etc.

  1. La tragédie des Guèbres ; voyez tome VI. page 505.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.