Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/486

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
482
CORRESPONDANCE.

crime de lèse-galanterie française de combattre pour de vilaines gens qui enferment les femmes, contre l’héroïne de nos jours. Je n’ai plus entendu parler de lui depuis ce temps-là. S’il est votre prisonnier, je supplie Votre Majesté impériale de lui ordonner de venir faire amende honorable dans mon petit château, d’assister à mon Te Deum, ou plutôt à mon Te Deam, et de déclarer à haute voix que les Moustapha ne sont pas dignes de vous déchausser.

Aurai-je encore assez de voix pour chanter vos victoires ? J’ai l’honneur d’être de votre académie[1] ; je dois un tribut. M. le comte Orlof n’est-il pas notre président ? Je lui enverrais quelque ennuyeuse ode pindarique, si je ne le soupçonnais de ne pas trop aimer les vers français.

Allons donc, héritier des Césars, chef du saint empire romain, avocat de l’Église latine, allons donc. Voilà une belle occasion. Poussez en Bosnie, en Servie, en Bulgarie ; allons, Vénitiens, équipez vos vaisseaux, secondez l’héroïne de l’Europe.

Et votre flotte, madame, votre flotte !… Que Borée la conduise, et qu’ensuite un vent d’occident la fasse entrer dans le canal de Conslantinople !

Léandre et Héro, qui êtes toujours aux Dardanelles, bénissez la flotte de Pétersbourg. Envie, taisez-vous ! peuples, admirez ! C’est ainsi que parle le malade de Ferney ; mais ce n’est pas un transport au cerveau, c’est le transport du cœur.

Que Votre Majesté impériale daigne agréer le profond respect et la joie de votre très-humble et très-dévot ermite.

7690. — À M. COSTE[2].
À Ferney, 17 octobre 1769.

Je suis très-fâché sans doute, monsieur, d’avoir été tympanisé dans la Gazette de Berne d’une manière si indécente : les affaires des particuliers ne doivent point être prostituées ainsi en public ; cet honneur n’appartient qu’aux souverains. Je ne me souviens pluss des mots qui étaient dans le mémoire[3] dont vous vous chargeâtes pour M. le duc de Choiseul, mais je sais très-bien que le gazetier suisse n’en devait avoir aucune connaissance. Je

  1. Voltaire était de l’Académie de Saint-Pétersbourg depuis 1746 ; voyez sa lettre à Muller, tome XXXVI, page 456.
  2. Éditeurs, Bavoux et François. (App. 1865.)
  3. Lettre a Choiseul du 16 juillet.