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CORRESPONDANCE.

l’intérêt mal entendu et l’aigreur mettent les procédures à la place des procédés. Voilà, en général, toute ma connaissance du barreau.

Votre lettre, madame, me paraît remplie des meilleurs sentiments, et M. de La Borde, premier valet de chambre du roi, passe pour un homme aussi judicieux qu’aimable : vous semblez tous deux faits pour vous concilier, et c’est ce que votre lettre même me fait espérer. V.

7669. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
20 septembre.

Oui, madame, je veux vous adresser mes idées sur le style d’aujourd’hui, sur l’extinction du génie, et sur les abus de ce qu’on appelle esprit ; mais avant d’entreprendre cet ouvrage, il faut que je vous parle de cette Histoire du Parlement que vous vous êtes fait lire.

Vous vous apercevrez aisément que les deux derniers chapitres ne peuvent être de la même main qui a fait les autres ; ils sont remplis de solécismes et de faussetés. Le barbouilleur qui a joint ce tableau grimaçant aux autres, qui paraissent assez fidèles, dit autant de sottises que de mots. Il prend le président de Bésigny pour le président de Nassigny. Il dit que le roi a donné des pensions à tous les juges de Damiens, et il est public qu’il n’en a donné qu’aux deux rapporteurs. Il se trompe sur toutes les dates, il se trompe sur M. de Machault[1].

Si vous vous souvenez de ce petit ouvrage que M. de Belestat s’attribuait[2], et qu’il était incapable de faire, vous trouverez que ces deux chapitres sont du même style. Je ne veux pas approfondir cette nouvelle iniquité ; mais je vous répéterai ce que je viens d’écrire à votre grand’maman : il y a autant de friponneries parmi les gens de lettres, ou soi-disant tels, qu’à la cour. Je ne veux pas les dévoiler, pour l’honneur du corps : je suis comme les prêtres, qui sauvent toujours, autant qu’ils le peuvent, l’honneur de leurs confrères. Il y a pourtant tel confrère que j’aurais fait pendre assez volontiers.

La Beaumelle fit autrefois une édition de la Pucelle, dans laquelle il y avait des vers contre le roi et contre Mme de Pompa-

  1. Voyez les trois dernières notes sur la lettre 7665.
  2. L’Examen de la nouvelle Histoire de Henri IV ; voyez tome XV, page 532, et ci-dessus page 115.