l’enverra donc dès qu’il y aura mis la dernière main, et vous en ferez tout ce qu’il vous plaira. Quoique l’on soit aujourd’hui très-sévère, et qu’on s’effarouche de tout ce qui aurait passé sans difficulté du temps de Molière, je crois que vous obtiendrez aisément une permission. Il est plus aisé à présent d’être imprimé que d’être joué.
S’il y a quelques nouvelles dans la littérature, je me flatte que vous m’en donnerez. Je ne crois pas que vous soyez au fait de ce qu’on imprime en Hollande. Marc-Michel Rey a donné une Histoire du Parlement de Paris[1], que les connaisseurs jugent fidèle et impartiale. Connaissez-vous le Cri des Nations[2] ? Avez-vous entendu parler des aventures d’un Indien et d’une Indienne[3] mis à l’Inquisition à Goa du temps de Léon X, et conduits à Rome pour être jugés ? Il y a dans cet ouvrage une comparaison continuelle de la religion et des mœurs des brames avec celles de Rome. L’ouvrage m’a paru un peu libre, mais curieux, naïf et intéressant. Il est écrit en forme de lettres, dans le goût de Paméla. Le titre est Lettres d’Amabed et d’Adatè. Mais dans les six tomes de Paméla il n’y a rien : ce n’est qu’une petite fille qui ne veut pas coucher avec son maître à moins qu’il ne l’épouse ; et les Lettres d’Amabed sont le tableau du monde entier, depuis les rives du Gange jusqu’au Vatican.
Adieu, mon ancien ami, qui êtes mon cadet de plusieurs années ; votre vieil ami vous embrasse.
Je vous prie, monsieur, de vouloir bien tenir prêts vingt mille francs, que je dois payer à M. de La Borde le 20 juin préfix. Je lui envoie une lettre de change de cette somme sur vous. Je compte en remettre une plus considérable entre vos mains, au mois d’août.
J’ai l’honneur d’être, etc.