son caractère a été la cause principale de toutes ses fautes et de toutes ses disgrâces. Les unes et les autres sont bien funestes. S’il est vrai que son père, riche de cinq millions, ne lui donna que six cents livres de pension au sortir de ses études, ses premières dettes sont excusables. Elles en attirèrent d’autres ; les intérêts s’accumulèrent ; et voilà la première cause de sa ruine.
Permettez-moi de vous dire que les exemples trop connus, donnés par monsieur son père, ne pouvaient lui inspirer des mœurs bien régulières.
On le maria à une demoiselle de condition, qui, n’ayant que seize ans, était incapable de le conduire, et il avait besoin d’être conduit. Je ne vois aucune faute contre l’honneur dans toutes celles qu’il a commises. L’affaire de Guérin était la seule qui pût me donner des soupçons ; mais j’ai vu des lettres authentiques qui me prouvent que Guérin l’avait en effet volé, et que monsieur votre frère, par cette facilité dangereuse qui l’a toujours perdu, eut tort dans la forme avec Guérin, ayant très-grande raison dans le fond.
J’ai examiné tous ses papiers ; j’y ai vu des dettes usuraires en assez grand nombre. Je sais quel était cet Oléary, qui ose lui demander plus de deux cent mille francs. Je sais que c’est un Irlandais aventurier, sans aucune fortune, qui vécut longtemps à Madrid aux dépens de M. de Morsan, et qui abusa de cette facilité que je lui reproche jusqu’à lui faire accroire qu’il allait marier le prince Édouard à une fille du roi de Maroc, et que monsieur votre frère irait à Maroc l’épouser au nom du prince. Cet homme était en effet attaché au prétendant. Il persuada à M. de Morsan qu’il gouvernerait l’Angleterre, et le fit enfin consentir à promettre d’épouser sa fille. Tout cela est un roman digne de Guzman d’Alfarache. Oléary réduit aujourd’hui ses prétentions chimériques à douze mille francs. Je suis bien fondé à croire que c’est lui qui les doit, loin d’être en droit de rien demander. Et de plus, les avocats qui sont à la tête de la direction considéreront sans doute qu’un homme qui restreint à douze mille livres une somme de deux cent vingt mille est par cela même un homme punissable.
J’ai connu M. de Saint-Cernin, dont la famille redemande des sommes considérables. Je puis vous assurer que monsieur votre frère n’a jamais reçu la moitié du principal. S’il ne devait payer que ce qu’il a réellement reçu, la somme ne se monterait pas à quatre cent mille livres ; et il faut qu’il en paye onze cent mille ! Je crois que, s’il avait pu être à portée de contredire