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ANNÉE 1768.

quinze ans, ce n’est pas parce qu’elle radote, qu’il s’est glissé un galimatias absurde dans le Siècle de Louis XIV et de Louis XV, touchant la paix que nous vous devons : pendant que je passe la vie dans mon lit, l’éditeur a mis, à la page 202 du quatrième tome, une addition[1] que je lui avais envoyée pour la page 142. Il a ajouté à votre paix ce qu’il devait ajouter à la paix d’Aix-la-Chapelle. Il vous sera aisé de faire placer adroitement ce carton ci-joint : vous êtes accoutumé à réparer quelquefois les fautes d’autrui. J’ai voulu finir par la gloire de la nation et par la vôtre.

Quand l’édition est finie, quelques officiers[2] m’apprennent des choses étonnantes, digues de l’ancienne Rome.

Le prince héréditaire de Brunswick veut surprendre M. de Castries, qui en veut faire autant. On envoie à l’entrée de la nuit M. d’Assas, capitaine d’Auvergne, à la découverte ; le régiment le suit en silence : il trouve, à vingt pas, des grenadiers ennemis couchés sur le ventre ; ils se lèvent, ils l’entourent, lui mettent vingt baïonnettes sur la poitrine : Si vous criez, vous êtes mort ; il retient son souffle un moment pour crier plus fort : À moi, Auvergne, les voilà ! et il tombe percé de coups : Décius en a-t-il plus fait ?

On me prend pour le greffier de la gloire ; on me fournit de beaux traits, mais trop tard ; c’est pour une belle édition in-4°.

Je vous demande en grâce de lire la page 177, tome IV ; vous y verrez une action très-supérieure à celle des Thermopyles, et très-vraie[3].

N. B. J’ai envoyé un Siècle à M. de Saint-Florentin. Il m’a mandé qu’il croyait que je pouvais le présenter au roi, et qu’il s’en chargerait. Je vais lui mander que je crois que vous lui avez donné le vôtre, et j’aurai l’honneur de vous en renvoyer un autre. M’approuvez-vous ? Je prêche gloire et paix dans cet ouvrage.

N. B. Il s’est fait une grande révolution dans les esprits. Voici ce qu’un homme très-sage[4] me mande de Toulouse :

« Les trois quarts du parlement ont ouvert les yeux, et gémissent du jugement des Calas. Il n’y a plus que les vieux endurcis qui ne soient pas pour la tolérance. »

Il en sera bientôt de même dans le parlement de Paris, je vous en réponds. On ne sera plus homicide pour paraître chré-

  1. Voyez la note, tome XV, page 333.
  2. Voyez la lettre 7370, et tome XV, page 354.
  3. Voyez tome XV, page 357.
  4. L’abbé Audra ; voyez lettres 7388 et 7442.