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CORRESPONDANCE

de leurs ennemis. Je respecte assurément le conseil ; mais je pleure sur tout ce que je vois. Il est clair comme le jour que les pistolets n’appartenaient point à M. de La Luzerne ; mais cela n’était clair que pour des hommes qui n’écoutent que la raison, et non pour ceux qui sont asservis aux formes judiciaires. Il n’y avait nulle preuve sur les pistolets, et il y en avait sur les coups d’épée donnés par derrière. M. de La Luzerne a été condamné dans la rigueur de la loi ; mais la loi ne disait pas qu’il dût lui en coûter la plus grande partie de son bien.

Je serai bien content des parlements, s’ils s’accordent tous à faire des feux de joie de la bulle du pauvre Rezzonico[1]. Il me semble que ce serait un bon tour à lui jouer que de déclarer qu’il paraît un certain libelle qu’on met impudemment sur le compte du pape, et que, pour venger cet outrage fait à Sa Sainteté, on jette au feu ledit libelle au bas du grand escalier. Voilà ce que j’appellerais une très-bonne jurisprudence. Une bonne jurisprudence encore, et la meilleure de toutes, est celle qui met M. et Mme de Canon en possession de leur terre. Je leur souhaite toutes les prospérités qu’ils méritent ; ils connaissent mes respectueux sentiments.

7202. — À M. LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[2].
7 mars 1768, à Ferney.

Vous verrez, mon cher président, selon toutes les apparences, Mme Denis le même jour que vous recevrez ma lettre. Elle va à Paris pour les affaires les plus pressantes[3] ; et elle prend son chemin par Dijon, avec la petite (sic) du grand Corneille dans l’espérance d’y voir le président de l’Académie. J’aurais bien voulu être du voyage, mais il m’est impossible de quitter le coin de mon feu.

Je suis fâché qu’on ait pu penser à Dijon que je sois l’auteur de la mauvaise épigramme contre Piron au sujet d’une épigramme encore plus mauvaise que ce fou de Piron avait faite contre Bélisaire ; ceux qui combattent ainsi devraient combattre au moins

  1. Clément XIII avait excommunié ceux qui avaient coopéré aux édits du duc de Parme.
  2. Éditeur, Th. Foisset.
  3. Wagnière, secrétaire de Voltaire, dit que Mme Denis fut chassée par son oncle (Mémoires, II, 269). Cette séparation fit événement à Paris. Voyez Grimm, Correspondance. Mme Denis revint à Ferney, à la fin d’octobre 1769 (lettre de Voltaire à d’Alembert, 28 octobre) et ne quitta cette résidence qu’avec son oncle en 1778. (Th. F.)