Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/530

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Empêchez donc qu’on ne me fasse du mal : repoussez la calomnie. Mon fils Dupuits vous doit tout, et je vous devrai autant que lui. Votre très-humble et très-obéissant serviteur, avec bien du respect.

7169. — DE M. MOREAU DE LA ROCHETTE[1].
6 février 1768.

Monsieur, nous avons essuyé ici, comme chez vous, un hiver fort rude ; la neige, survenue à propos, nous a préservés en partie de tout le mal qu’il aurait pu nous faire. La terre n’a pas gelé de plus de quatorze à quinze pouces, et je ne m’aperçois pas que les plants aient souffert. Si vous m’eussiez fait l’honneur, monsieur, de me prévenir plus tôt des deux inconvénients auxquels vos plants sont exposés, je vous aurais indiqué des préservatifs dont vous auriez pu vous servir avec succès. Le premier, contre les grandes chaleurs, est de faire mettre une sachée de feuilles au pied de chaque arbre. Cette opération se fait ainsi : le trou dans lequel vous plantez votre arbre, supposé de six pieds en carré, sur trois pieds de profondeur ; au lieu de faire rejeter dans le trou les terres qui en sont sorties, vous faites abattre tout le pourtour du trou à la pioche ou à la bêche, pour le remplir à peu près de deux pieds, ce qui en élargit encore considérablement le diamètre, et ne peut faire qu’un bon effet ; vous plantez votre arbre, vous le recouvrez de cinq à six pouces avec la meilleure terre sortie de l’excavation, que vous faites répandre horizontalement sur les racines. Vous faites mettre sur cette superficie de terre votre sachée de feuilles, qu’on fait bien étaler ; ensuite vous faites jeter sur ces feuilles le restant des terres de la fouille du trou, qui doivent faire aussi à peu près un remblai de quatre à cinq pouces, de façon que l’arbre se trouve enterré de dix à douze pouces. Cette précaution est infaillible contre les chaleurs, et facilite admirablement la filtration des sucs, en observant pendant l’été quatre à cinq binages très-légers, au pied de chaque arbre, pour détruire les herbes. Par rapport à l’inconvénient des eaux pendant l’hiver, il faut faire buter vos arbres en forme de pain de sucre, et faire prendre la terre nécessaire à huit ou dix pieds de distance, car si on la prenait simplement au pied des arbres, la jauge formerait une espèce de bassin qui retiendrait encore les eaux, et serait très-préjudiciable. Bien entendu qu’à la fin de chaque hiver il faudra faire régaler toutes ces buttes au pied de vos arbres, ce qui servira à les renchausser et leur fera encore beaucoup de bien. Voilà, monsieur, ce que l’expérience m’a appris à pratiquer. Je ne m’amuse guère, comme vous dites fort bien, monsieur, à lire les livres d’agriculture dont nous sommes inondés ; je n’en ai ni le temps ni la curiosité. J’en ai lu quelques-uns autre

  1. Mémoires de la Société académique d’agriculture, etc., du département de l’Aube, tome VI, 3e série, année 1809.