Plus vous me témoignez d’amitié, moins je conçois comment vous pouvez vous adresser à moi pour vous procurer l’infâme ouvrage intitulé le Dîner du comte de Boulainvilliers[1]. J’en ai eu par hasard un exemplaire, et je l’ai jeté dans le feu. C’est un tissu de railleries amères et d’invectives atroces contre notre religion. Il y a plus de quarante ans que cet indigne écrit est connu ; mais ce n’est que depuis quelques mois qu’il paraît en Hollande, avec cent autres ouvrages de cette espèce. Si je ne consumais pas les derniers jours de ma vie à une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV, augmentée de près de moitié ; si je n’épuisais pas le peu de force qui me reste à élever ce monument à la gloire de ma patrie, je réfuterais tous ces livres qu’on fait chaque jour contre la religion.
J’ai lu cette nouvelle édition in-4°, qu’on débite à Paris, de mes Œuvres[2]. Je ne puis pas dire que je trouve tout beau,
Papier, dorure, images, caractère,
car je n’ai point encore vu les images ; mais je suis très-satisfait
de l’exactitude et de la perfection de cette édition. Je trouve que
tout en est beau,
Hormis les vers, qu’il fallait laisser faire
À Jean Racine[3].
Je souhaite que ceux qui l’ont entreprise ne se ruinent pas, et que les lecteurs ne me fassent pas les mêmes reproches que je me fais, car j’avoue qu’il y a un peu trop de vers et de prose dans ce monde. C’est ce que je signe en connaissance de cause.
- ↑ Voyez tome XXVI, page 531.
- ↑ Il ne parut, en 1768, que les sept premiers volumes de l’édition in-4° des OEuvres de Voltaire.
- ↑ Lorsque Benserade publia ses Métamorphoses d’Ovide, mises en rondeaux, Prépetit de Grammont publia un rondeau qui se terminait ainsi :
· · · · · · · · · · J’en trouve tout fort beau,
Papier, dorure, images, caractère,
Hormis les vers, qu’il fallait laisser faire
À La Fontaine.