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ANNÉE 1767

Plus vous me témoignez d’amitié, moins je conçois comment vous pouvez vous adresser à moi pour vous procurer l’infâme ouvrage intitulé le Dîner du comte de Boulainvilliers[1]. J’en ai eu par hasard un exemplaire, et je l’ai jeté dans le feu. C’est un tissu de railleries amères et d’invectives atroces contre notre religion. Il y a plus de quarante ans que cet indigne écrit est connu ; mais ce n’est que depuis quelques mois qu’il paraît en Hollande, avec cent autres ouvrages de cette espèce. Si je ne consumais pas les derniers jours de ma vie à une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV, augmentée de près de moitié ; si je n’épuisais pas le peu de force qui me reste à élever ce monument à la gloire de ma patrie, je réfuterais tous ces livres qu’on fait chaque jour contre la religion.

J’ai lu cette nouvelle édition in-4°, qu’on débite à Paris, de mes Œuvres[2]. Je ne puis pas dire que je trouve tout beau,

Papier, dorure, images, caractère,


car je n’ai point encore vu les images ; mais je suis très-satisfait de l’exactitude et de la perfection de cette édition. Je trouve que tout en est beau,

Hormis les vers, qu’il fallait laisser faire
Hormis lesÀ Jean Racine[3].

Je souhaite que ceux qui l’ont entreprise ne se ruinent pas, et que les lecteurs ne me fassent pas les mêmes reproches que je me fais, car j’avoue qu’il y a un peu trop de vers et de prose dans ce monde. C’est ce que je signe en connaissance de cause.

  1. Voyez tome XXVI, page 531.
  2. Il ne parut, en 1768, que les sept premiers volumes de l’édition in-4° des OEuvres de Voltaire.
  3. Lorsque Benserade publia ses Métamorphoses d’Ovide, mises en rondeaux, Prépetit de Grammont publia un rondeau qui se terminait ainsi :

    · · · · · · · · · · J’en trouve tout fort beau,
    Papier, dorure, images, caractère,
    Hormis les vers, qu’il fallait laisser faire
    Hormis les À La Fontaine.