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ANNÉE 1767

vous aime, combien je vous suis attaché pour le reste de ma languissante vie !

7122. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 6 janvier.

M. Hennin, résident à Genève, me mande, monseigneur, qu’il a eu l’honneur de vous écrire au sujet de Galien. Vous avez vu, par mes lettres, que je n’espérais pas que ce jeune homme se maintint longtemps dans ce poste. Il s’est avisé de faire imprimer une mauvaise pasquinade, dans le style d’un laquais, sur les affaires de Genève ; et il a eu la méchanceté inepte de me l’attribuer, en l’imprimant sous le nom d’un vieillard moribond, et en ajoutant à ce titre des qualifications peu agréables.

M. Hennin m’a envoyé l’ouvrage, et m’a instruit en même temps qu’il était obligé de le renvoyer, et qu’il vous en écrivait.

Mon respect pour la protection dont vous l’honorez m’avait fait toujours dévorer dans le silence les perfidies qu’il m’avait faites. Il allait acheter à Genève tous les libelles qu’il pouvait déterrer contre moi, et les vendait à ceux qui venaient dans le château. Je lui remontrai l’énormité et l’ingratitude de ce procédé. Je voulus bien ne l’imputer qu’à sa curiosité et à sa légèreté. Je ne voulus point vous en instruire. J’espérai toujours que le temps et l’envie de vous plaire pourraient corriger son caractère. Je vois, par une triste expérience, que mes ménagements ont été trop grands et mes espérances trop vaines.

Je pense qu’il serait convenable qu’il allât en Dauphiné pour y faire imprimer l’histoire de cette province, qu’il a entreprise. Il est du village de Salmoran, dont il a pris le nom, et il avait toujours témoigné le désir d’y aller voir ses parents.

Peut-être l’article de ses dettes sera-t-il un peu embarrassant avant qu’il parte de Genève. On prétend qu’elles vont à plus de cent louis : c’est ce que j’ignore ; mais je sais qu’il répond aux marchands que c’est à vous à payer la plupart des fournitures. J’ai déjà payé deux cents livres, dont je vous avais envoyé les quittances, et que vous avez eu la bonté de me rembourser.

Je vous ai mandé que je ne payerais rien de plus sans votre ordre précis, et j’ai tenu parole, à un louis près. Peut-être voudriez-vous bien encore accorder une petite somme, afin qu’un jeune homme que vous avez daigné faire élever avec tant de générosité ne partît pas de Genève absolument en banqueroutier.