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ANNÉE 1767

Savez-vous bien qu’on a imprimé on Hollande un petit livre intitulé le Philosophe militaire[1] ? Ce n’est pourtant pas vous qui l’avez fait ; on le connaissait depuis longtemps en manuscrit. C’est un ouvrage dans le goût du Curé Meslier ; il est de Saint-Hyacinthe, que la chronique scandaleuse a cru fils de l’évêque de Meaux, Bossuet : il avait été en effet officier un ou deux ans. Tachez de vous procurer cet écrit ; il n’est pas orthodoxe, mais il est très-bien raisonné et mérite d’être réfuté.

Vous pourriez aisément faire venir d’Amsterdam une petite bibliothèque complète. Vous n’auriez qu’à vous adresser à un libraire de Bordeaux, et lui dire de vous faire venir par Marc-Michel Rey, libraire d’Amsterdam, tous les livres que ce Marc-Michel a imprimés sur ces matières ; il y en a plus de quinze volumes. Le secrétaire de M. le maréchal de Richelieu ou de l’intendant de la province pourrait aisément vous faire passer le paquet ; il n’y a pas à présent de voie plus commode.

Il paraît une autre brochure du même Saint-Hyacinthe intitulée le Dîner du comte de Boulainvilliers[2]. On pourrait vous l’envoyer par la poste de Lyon ; mais il serait à propos que vous eussiez une correspondance à Limoges.

Je vous souhaite une bonne année ; vivez longtemps, monsieur, pour l’intérêt de la vertu et de la vérité.

7119. — DE M. HENNIN[3].
À Genève, le 4 janvier 1768.

Je vous ai caché jusqu’aujourd’hui, monsieur, une sottise du sieur Galien qui vous touche, et dont je me proposais d’avoir l’honneur de vous parler. Il y a déjà du temps que je l’entendais dire que vous travailliez à un dialogue sur les affaires de Genève, dont Ésope et Abauzit[4] étaient les

  1. Ou plutôt le Militaire philosophe.
  2. Par Voltaire. Voyez tome XXVI.
  3. Correspondance inédite de Voltaire avec P.-M. Hennin, 1825.
  4. Firmin Abauzit, né à Uzès le 11 novembre 1679, de la religion réformée. Persécuté en France pour sa croyance religieuse, il se retira à Genève, et fut bibliothécaire de cette ville. Il mourut le 20 mars 1767. C’était un homme d’une grande érudition, du caractère le plus modeste, le plus doux et le plus communicatif : ses voyages, ses relations avec tous les savants de son temps, ses connaissances variées lui acquirent de la réputation. Il fut ami de Bayle et de Newton. On a de lui plusieurs ouvrages, entre autres une excellente édition de l’Histoire de Genève de Spon. Dans son Commentaire sur l’Apocalypse, il défendit les opinions de l’arianisme moderne. Voltaire en faisait un grand cas, et le consultait pour ses recherches.