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CORRESPONDANCE.

trop intéressant, puisqu’il n’a rien produit. C’est un pays en cendres qui est intéressant. Il importe peu au genre humain que Charles-Louis ait défié Maurice de La Tour ; mais il importe qu’on ne fasse pas une guerre de barbares.

Gatien de Courtilz, caché sous le nom de Du Buisson, avait déjà été convaincu de mensonges imprimés par l’illustre Bayle, avant que le marquis de Beauvau eût écrit. Il est donc très-vraisemblable que le marquis de Beauvau n’eût point parlé du cartel, s’il n’avait eu que Gatien de Courtilz pour garant. Bayle, qui reproche tant d’erreurs à ce Courtilz Du Buisson, ne lui reproche rien sur le cartel. Il faut donc douter, mon cher ami : de las cosas mas seguras, la mas segura es dudar. Mais ne doutez jamais de mon estime et de ma tendre amitié pour vous.

Mme Denis vous en dit autant.

7068. — À M. CHARDON.
À Ferney, 14 novembre.

Monsieur, il paraît que le conseil cherche bien plus à favoriser le commerce et la population du royaume qu’à persécuter des idiots qui aiment le prêche, et qui ne peuvent plus nuire. Dans ces circonstances favorables, je prends la liberté de rappeler à votre souvenir l’affaire des Sirven, et d’implorer votre protection et votre justice pour cette famille infortunée. On dit que vous pourrez rapporter cette affaire devant le roi. Ce sera, monsieur, une nouvelle preuve qu’il aura de votre capacité et de votre humanité. Il s’agit d’une famille entière qui avait un bien honnête, et qui se voit flétrie, réduite à la mendicité, et errante, en vertu d’une sentence absurde d’un juge de village.

Il n’y a pas longtemps, monsieur, qu’on a imprimé à Toulouse[1], par ordre du parlement, une justification de l’affreux jugement rendu contre les Calas. Cette pièce soutient fortement l’incompétence de messieurs des requêtes, et la nullité de leur arrêt. Jugez comme la pauvre famille Sirven serait traitée par ce parlement si elle y était renvoyée après avoir demandé justice au conseil. Vous êtes son unique appui. Je partage son affliction et sa reconnaissance.

J’ai l’honneur d’être avec beaucoup de respect, monsieur, votre, etc.

  1. Voyez lettre 7107.