Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/404

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
394
CORRESPONDANCE.

siècle ridicule, je lui prépare un petit morceau[1] sur Henri IV, qu’il pourra mettre à la tête de la seconde édition, et je vous réponds que vous y retrouverez vos sentiments. Je finis ma carrière littéraire par ce grand homme, comme je l’ai commencée, et je finis comme lui. Je suis assassiné par des gueux ; Coger est mon Ravaillac.

Adieu, mon cher ami ; je suis trop malade pour dicter longtemps ; mais ne jugez point de mes sentiments par la brièveté de mes lettres.

Faudra-t-il que je meure sans vous revoir ?

7035. — À M. MOREAU DE LA ROCHETTE.
Au château de Ferney, le 4 octobre.

Monsieur, voici le mois d’octobre ; il est dans nos cantons le vrai mois de décembre. J’ai fait tous les préparatifs nécessaires pour planter, et je plante même dès aujourd’hui quelques arbres qui me restaient en pépinière.

J’attendrai l’effet de vos bontés pour planter le reste. Je crois que la rigueur du climat ne permet guère de faire un essai aussi considérable, et qu’il ne faut hasarder que ce qui pourrait remplir une charrette. Si elle peut contenir plus de cent arbres, à la bonne heure ; mais je crois que vingt-cinq tiniers, vingt-cinq ormes, autant de platanes, autant de peupliers d’Italie, suffiront pour cette année.

Je réclame donc, monsieur, les bontés que vous avez voulu me témoigner. J’enverrai une charrette à Lyon pour prendre ces arbres ; et si la gelée était trop forte chez moi lorsqu’ils arriveront à Lyon, je les ferais mettre en pépinière à Lyon même, chez un de mes amis. Il n’y aura pas de soin que je ne prenne pour ne pas rendre vos bontés inutiles.

Il est certain qu’on a trop négligé jusqu’ici les forêts en France, aussi bien que les haras. Je ne suis pas de ceux qui se plaignent à tort et à travers de la dépopulation ; je crois au contraire la France très-peuplée, mais je crains bien que ses habitants n’aient bientôt plus de quoi se chauffer. Personne n’est plus persuadé et plus touché que moi du service que vous rendez à l’État, en établissant des pépinières. Je voulus, il y a trois ans, avoir des ormes à Lyon, de la pépinière royale ; il n’y en avait plus.

  1. Ce morceau m’est inconnu. (B.) — Voltaire en reparle dans la lettre 7047.