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ANNÉE 1767

gouvernante d’enfants est en vie, et se trouve actuellement à Gotha, et qu’elle, aussi bien que quelques domestiques qui l’ont servie dans le même temps, [peuvent attester] ce qui y a rapport.

Mais en voilà assez et peut-être trop sur une matière aussi désagréable. Je n’y aurai cependant point de regret si ce que je viens d’avoir l’honneur de vous dire peut contribuer a rendre le calme à votre âme et vous engager à croire votre réputation à couvert de tout reproche. Il me semble que votre meilleur ami ne devrait pas avoir de plus sage conseil à vous donner que celui de vous en tenir là.

J’ai l’honneur d’être, etc.

Rousseau.
7007. — À M. DE CHENEVIÈRES[1].
7 septembre.

Je suppose, mon cher ami, que vous avez eu la bonté de déterrer M. Barrau, qui est à la vérité un homme enterré, mais qui mérite d’être connu. Il est certainement employé au dépôt des affaires étrangères, et il m’a fourni de très-bonnes observations pour le Siècle de Louis XIV, qu’on réimprime.

C’est au sujet de cette nouvelle édition que j’ai été forcé de recourir au ministère, pour réprimer l’insolence et les calomnies de La Beaumelle. Le commandant du pays de Foix, où il demeure, a eu ordre de le menacer du cachot s’il continuait, et le gouverneur de Guienne lui a fait de plus fortes menaces.

La profonde ignorance où l’on est communément à Versailles et à Paris de tout ce qui se passe dans le reste de l’Europe empêche quelquefois de faire attention à des choses qui en méritent beaucoup. On dit : C’est un roquet qu’il faut laisser aboyer. Mais on ne songe pas que ces roquets ameutent les chiens ennemis de la France. Un Français qui accuse Louis XIV d’avoir empoisonné le marquis de Louvois, qui accuse le duc d’Orléans d’avoir empoisonné la famille royale, qui accuse Monsieur le Duc, père de M. le prince de Condé d’aujourd’hui, d’avoir assassiné Vergier[2], qui accuse le père du roi[3] de s’être entendu avec le prince Eugène pour trahir la France et pour faire prendre Lille, et qui ose apporter en preuve de tous ces crimes les manuscrits de Saint-Cyr, un tel coquin, dis-je, fait plus d’impression qu’on ne pense dans

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Pour se venger, dit-on, d’une satire de ce poète. Mais le véritable auteur du crime est un nommé Le Craqueur, voleur de la bande de Cartouche. (A. F.)
  3. L’élève de Fénelon, le duc de Bourgogne. (A. F.)