Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
364
CORRESPONDANCE.
7001. — À M. L’ABBÉ D’OLIVET.
2 septembre.

Votre nom, votre âge, vos qualités, mon cher doyen, mon cher maître, envoyez-moi tout cela sur-le-champ, sans perdre un seul instant ; en voici la raison. On réimprime le Siècle de-Louis XIV, malgré La Beaumelle ; il faut qu’on vous traite de votre vivant comme si vous étiez mort, que je vous rende justice, que je satisfasse mon cœur. La lettre O vous attend[1] : mettez-moi vite à portée de vous rendre l’hommage que je vous dois, et, après cela, vous m’enterrerez si vous voulez.

7002. — À M. D’ALEMBERT.
4 septembre.

Mon cher philosophe, voici une occasion d’exercer votre philosophie. Vous connaissez très-bien les théologiens de Genève, pédants, sots, de mauvaise foi, et, Dieu merci, sans crédit, comme tout animal sacerdotal devrait l’être ; mais vous ne connaissez pas les libraires. L’ami Cramer avait donné à un nommé Chirol le livre de mathématiques à imprimer avec les planches corrigées. Ce Chirol est le même qui avait fait la première édition, et qui a refusé de faire la seconde. Je lui demande, depuis près de quinze jours, qu’il rende au moins l’exemplaire qu’on lui a confié en dernier lieu. Il dit qu’il ne l’a point reçu. Cramer dit qu’il le lui a donné, et je n’ai pas encore pu juger qui des deux se trompe ou me trompe. Il y a mille lieues de chez moi à Genève, et davantage, puisque toute communication est interrompue. Chirol est un pauvre diable qui n’a pas même encore pu payer le prix de la première édition, mais qui le payera.

Gabriel Cramer donne de grands soupers dans le petit castel de Tournay, que je lui ai abandonné. C’est un homme d’ailleurs fort galant, qui ne me paraît pas faire une extrême attention aux livres qu’on lui confie : voilà l’état des choses. Je suivrai cette affaire, car je suis exact, et il s’agit de mathématiques. On dit qu’on vous a prêché Louis IX et non pas saint Louis, qu’on s’est fort moqué des croisades et du pape : le prédicateur[2] ne

  1. Ce fut dans son édition de 1768 du Siècle de Louis XIV que Voltaire donna un article à l’abbé d’Olivet, encore vivant ; voyez tome XIV, page 65.
  2. Alexandre-Joseph Bassinet, né en 1734, mort le 16 novembre 1813 ; son Panégyrique de saint Louis a été imprimé en 1767, in-8°.