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CORRESPONDANCE.

insensiblement des disciples de la raison ; vous élèverez les âmes en leur communiquant la vôtre ; et, quand vous serez dans les grandes places, votre exemple et votre protection donneront aux âmes toute l’élévation dont elles manquent. Il ne faut que trois ou quatre hommes de courage pour changer l’esprit d’une nation. Voyez ce que fait l’impératrice de Russie : elle a fait traduire le livre de Bélisaire, que des cuistres de Sorbonne voulaient condamner. Elle a traduit elle-même le chapitre contre lequel les théologiens s’étaient élevés avec une fureur imbécile. On est philosophe à sa cour ; on y foule aux pieds les préjugés du peuple. C’est une extrême sottise, dans les souverains, de regarder la religion catholique comme le soutien de leurs trônes ; elle n’a presque servi qu’à les renverser. L’Angleterre et la Prusse n’ont été puissantes qu’en secouant le joug de Rome.

Puissiez-vous, monsieur, quand vous serez en place, enchaîner cette idole, si vous ne pouvez la briser ! C’est ce que j’attends d’un esprit tel que le vôtre. Vous cueillez actuellement les fleurs, vous ferez un jour mûrir les fruits.

Je suis, avec bien du respect et un véritable attachement, monsieur, votre très-humble, très-obéissant serviteur.

Erimbolt.
6975. — À M. DE BARRAU[1].
À Ferney, 11 auguste.

Monsieur, on fait actuellement une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV. Je fais usage de toutes les observations que vous eûtes la bonté de me communiquer il y a plus d’une année, et je vous réitère mes très-humbles remerciements ; souffrez qu’en même temps je vous envoie ce Mémoire[2]. Il est fait pour venger la vérité que vous aimez, et l’honneur de la maison royale que vous servez. J’ai été forcé à cette démarche par ces deux motifs. Je soumets le mémoire à vos lumières et à vos bontés.

On m’a assuré qu’en 1685 ou 1686, il y eut un étrange traité entre l’empereur Léopold et Louis XIV, qui fut à peu près dans le goût du traité de partage fait si longtemps après. Léopold devait laisser le roi s’emparer de toute la Flandre, à condition

  1. C’était sous ce nom que le chevalier de Taules avait envoyé à Voltaire des remarques sur le Siècle de Louis XIV ; voyez tome XLIV, page 44 ; et ci-après la lettre 7065.
  2. Celui qui est tome XXVI, page 355.