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CORRESPONDANCE.

que je ne l’ai point vu encore. Je vous embrasse bien tendrement.

J’ai lu le plaidoyer de Loyseau contre Berne, par-devant l’Europe. Le cas est singulier. Ce Loyseau veut se faire de la réputation, à quelque prix que ce soit ; mais je crois qu’on s’intéressera fort peu à cette affaire dans Paris.

6971. — DE M. HENNIN[1].
Genève, 9 août 1767.

Mon secrétaire, monsieur, m’ayant quitté pour aller être auprès du nouveau primat de Pologne, j’ai jeté les yeux sur M. Galien[2] pour le remplacer. Si vous croyez qu’il soit plus avantageux à ce jeune homme d’être seul chez un chétif résident qu’en six ou septième chez un maréchal de France gouverneur de province, etc, je pense que vous donnerez votre agrément à ce que je lui propose. La place est assez bonne, et deviendra meilleure. Il aura ici des livres, des médailles, et beaucoup de paperasses à manier. Je souhaite qu’il y apprenne quelque chose, et surtout qu’il se mette en état

  1. Correspondance inédite avec P.-M. Hennin, 1825.
  2. Ce Galien était un jeune homme qui avait intéressé le duc de Richelieu. Il l’avait envoyé à Voltaire pour chercher à en faire quelque chose. (Voyez les lettres de Voltaire au duc, des 8 et 28 octobre 1766, 13 janvier 1767, et autres du même temps.)

    Galien répondit peu aux bontés du duc et à celles de Voltaire ; il se conduisit mal à Ferney. M. Hennin, qui n’était pas instruit de ces détails, eut l’idée de le prendre pour secrétaire, dans l’intention de faire une chose agréable aux protecteurs de ce jeune homme. Galien fit dans ce nouveau poste de nouvelles sottises, et fut renvoyé, comme on le verra dans la suite de cette correspondance.


    Lorsque M. Hennin voulut prendre Galien pour secrétaire, il crut devoir en écrire au duc de Richelieu. Il commença sa lettre par Monsieur le Maréchal, au lieu de Monseigneur, par inadvertance sans doute. Il paraît que le vainqueur de Mahon était susceptible sous le rapport des titres ; cela est d’autant plus extraordinaire que c’est, en général le défaut des parvenus, qui craignent toujours qu’on leur manque de respect. Le maréchal-duc en écrivit donc à Voltaire, qui en parla à M. Hennin, lequel écrivit une autre lettre au duc : il y exposait qu’il n’était pas vraisemblable qu’il eût voulu lui refuser les titres qui lui étaient dus, en lui écrivant relativement à un arrangement qui pouvait lui être agréable. La réponse du duc fut froide et polie.


    Le philosophe de Ferney approuva fort le courroux du duc ; et il lui écrivit sur cette importante affaire dans des termes peu mesurés, puisqu’il était question d’un homme qu’il voyait tous les jours, et qu’il nommait son ami. (Voyez les lettres de Voltaire au duc de Richelieu, des 17 août, 9 et 12 septembre 1767.)


    Au reste, le duc de Richelieu ne garda pas rancune. Quelques années après, de trouvant compromis dans une affaire suscitée par Mme de Saint-Vincent, pour des billets portant sa signature fausse, et ayant besoin de faire arrêter un homme qui avait trempé dans cette affaire, et qui s’était sauvé à Genève, il écrivit à M. Hennin une lettre remplie d’expressions obligeantes. (Note de Hennin fils.)