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CORRESPONDANCE.

nous avait délivrés des renards pour nous abandonner aux loups[1]. Vous savez que la chasse aux loups est beaucoup plus difficile que la chasse aux renards ; il y faut du gros plomb : pour moi, qui ne suis qu’un vieux mouton, j’achève mes jours dans ma bergerie, en vous priant d’armer les pasteurs, et de les exciter à défendre le troupeau.

J’attends avec impatience votre réponse sur Coge pecus. Ce ne sont pas ces cuistres-là qui sont les plus dangereux. Les trompettes ne sont pas à craindre, mais les généraux le sont. Les honnêtes gens ne peuvent combattre qu’en se cachant derrière les haies. Il y a des choses qui affligent ; cependant il faut vivre gaiement ; c’est ce que je vous souhaite au nom du père, etc, en vous embrassant de tout mon cœur.

6962. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[2].
À Ferney, le 3 auguste 1767.

Madame, mon attachement pour Votre Altesse sérénissime, qui durera autant que ma vie, a réveillé, il est vrai, ma sensibilité à la vue d’une nouvelle édition de La Beaumelle, dans laquelle il renouvelle les insolences qu’il osa vomir, il y a plusieurs années, contre votre auguste maison. Plusieurs étrangers même s’en sont plaints à notre ministère. Il est bien surprenant qu’un tel homme ait eu la hardiesse d’écrire[3] à Votre Altesse sérénissime. On lui a fait parler par M. le marquis de Gudane, commandant du pays de Foix, où il est exilé ; on a supprimé son édition, et on l’a menacé, de la part du roi, de le punir très-sévèrement s’il écrivait avec une pareille licence. Les autres personnes intéressées n’ont pas été aussi indulgentes que vous, madame, parce qu’elles ne sont pas comme vous au-dessus de ces outrages. Plus vous êtes grande, plus vous êtes clémente. Il résulte de la lettre qu’on a daigné écrire à cet homme, en votre nom, qu’il partit de vos États avec une misérable servante[4] voleuse. Il appartient bien à un tel homme de parler des princes et de les juger ! Votre nom respectable est mêlé dans ses ouvrages à ceux de Louis XIV et de toute la maison royale, infini-

  1. Voyez tome XLII, page 505.
  2. Éditeurs, Bavoux et François.
  3. Le 18 juin. C’est le conseiller Rousseau qui lui répondit le 24 juillet, nom de la duchesse ; voyez lettre 6952.
  4. Une gouvernante d’enfants, nommée Schwecker.