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prétendus sages ne m’a pu causer de peine. Votre plume est comme la lance d’Achille, qui guérissait les blessures qu’elle faisait.

Le cardinal de Bernis, étant jeune, en arrivant à Paris, commença par faire des vers contre moi, selon l’usage, et finit par me favoriser d’une bienveillance qui ne s’est jamais démentie. Vous me faites espérer les mêmes bontés de vous, pour le peu de temps qui me reste à vivre, et je crie Félix culpa ! à tue-tête.

j’ai déjà lu, monsieur, votre très-joli poëme sur la Déclamation ; il est plein de vers heureux et de peintures vraies. Je me suis toujours étonné qu’un art, qui paraît si naturel, fût si difficile. Il y a, ce me semble, dans Paris beaucoup plus de jeunes gens capables de faire des tragédies dignes d’être jouées qu’il n’y a d’acteurs pour les jouer. J’en cherche la raison, et je ne sais si elle n’est pas dans la ridicule infamie que des Welches ont attachée à réciter ce qu’il est glorieux de faire. Cette contradiction welche doit révolter tous les vrais Français. Cette vérité me semble mériter que vous la fassiez valoir dans une seconde édition de votre poëme.

Je ne puis vous dire à quel point j’ai été touché de tout ce que vous avez bien voulu m’écrire.

J’ai l’honneur d’être, etc.

P. S. Ma dernière lettre à M. le chevalier de Pezay[1] était écrite avant que j’eusse reçu la vôtre. J’en avais envoyé une copie à un de mes amis ; mais je ne crois pas qu’il y ait un mot qui puisse vous déplaire, et j’espère que les faits énoncés dans ma lettre feront impression sur un cœur comme le vôtre.


6659. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[2].
8 janvier au soir, partira le 10.

Mes divins anges, nous recevons votre lettre du 3 janvier. Allons vite au fait : 1° l’affaire était si grave que la première chose que dit le receveur du bureau à cette dame, c’est qu’elle sérait pendue : 2° le fidèle Wagnière vous écrivit du bureau même pendanl que les monstres du bureau écrivaientà monsieur le vice-chancelier ; 3° cette affaire étant arrivée le 23 décembre au soir, nous n’avons eu de nouvelles de vous qu’aujourd’hui 8 janvier, et Le Jeune a écrit quatre lettres à sa femme dans cet intervalle ; 4° nous ne pouvions faire autre chose que d’envoyer mémoire sur

  1. C’est la lettre 6653.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.