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ANNÉE 1767

qu’ils ont fait est peu de chose, et le discours n’y perdra rien ou presque rien. Il n’y a pas, en tout, la valeur de six lignes effacées.

Je vous prie de dire au neveu de l’abbé Bazin que j’ai lu avec un grand plaisir la Défense de feu son oncle ; mais qu’il aurait bien dû me l’envoyer, ainsi que tout ce qu’il fait d’ailleurs. On parle d’un roman intitulé l’Ingénu, que j’ai grande envie de lire. L’abbé Bazin, dont j’étais l’ami intime, m’a recommandé, en mourant, à ce neveu, qui doit respecter les volontés de son oncle, et avoir quelque égard pour ses plus zélés admirateurs. Je prie aussi ce neveu de me dire où en est la deuxième édition de la Destruction[1] et si je pourrai en avoir un exemplaire. Adieu, mon cher maître ; je vous embrasse de tout mon cœur.

6948. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
22 juillet.

Ah ! mon respectable ami, mon cher ange, qu’il y a une différence immense entre les sentiments des sociétés de Paris et le reste de l’Europe ! Il y a bien des espèces d’hommes différentes ; et quiconque a le malheur d’être un homme public est obligé de répondre à tous.

Vous me mandez, dans votre lettre du 15 de juillet, que La Beaumelle est oublié, tandis qu’il y a sept éditions de ses calomnies dans les pays étrangers ; et que tous les sots, dont le monde est plein, prennent ses impostures pour des vérités. Il est triste en effet que La Beaumelle soit le beau-frère de Lavaysse : sa sœur a fait cet indigne mariage malgré son père. Mais dois-je me laisser déshonorer par un scélérat dans toute l’Europe, parce que ce malheureux est le beau-frère d’un homme à qui j’ai rendu service ? N’est-ce pas au contraire à Lavaysse de forcer ce malheureux à rentrer dans son devoir, s’il est possible ? La Beaumelle a fait commencer secrètement une nouvelle édition de ses infamies dans Avignon. Le commandant du pays de Foix[2] est chargé, par M. le comte de Saint-Florentin, de le menacer des plus grands châtiments, mais cela ne le contiendra point ; c’est un homme de la trempe des d’Éon et des Vergy : il niera tout, et il en sera quitte pour désavouer l’édition. Je n’ai de ressource que dans une justification nécessaire. Je n’envoie mon Mémoire[3] qu’aux personnes principales de l’Europe, dont les noms sont

  1. L’ouvrage de d’Alembert Sur la Destruction des jésuites.
  2. De Gudane.
  3. Celui qui est tome XXVI, page 355.