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CORRESPONDANCE.

rez lire, avec les yeux d’un sage et d’un ministre, cette requête[1] en forme de mémoire[2]. Il s’agit des plus horribles noirceurs imputées à toute la famille royale. Il ne m’appartient que de vous supplier d’imposer silence à La Beaumelle[3], qui est actuellement

    que la lettre s’adressait au lieutenant général de police, qui était alors M. de Sartines. (B.)

  1. Voyez tome XXVI, page 355.
  2. Lisez seulement depuis la page 10, afin de ne pas perdre un temps précieux. (Note de Voltaire.)
  3. Voici la lettre que de son côté La Beaumelle écrivit :

    « À Mazères, pays de Foix, ce 13 juillet.

    « Monseigneur, on vient de me faire passer un avis dont il m’importe de vous instruire promptement. C’est M. de Voltaire qui, après avoir imprimé vingt libelles où je suis peint comme un voleur, comme un scélérat, quoique depuis quinze ans je me taise sur son compte, m’apprend qu’il a envoyé au ministère je ne sais quelle 95e lettre anonyme qu’il m’attribue, et me menace de mettre au pied du trône certains écrits qu’il prétend avoir de moi, et qui tous contiennent des crimes, dont la plupart, ajoute-t-il, sont des crimes de lèse-majesté. Il réveille sa vieille calomnie sur M. le duc d’Orléans, régent. Il m’accuse d’avoir outragé monsieur le duc, sur lequel je n’ai jamais écrit un mot ; M. de Vrillière, dont j’écris actuellement le nom pour la première fois de ma vie ; Louis XIV, que je révère avec tout l’univers ; et ce qu’il y a de plus affreux, Sa Majesté même : calomnie si atroce que je me reprocherais de m’en justifier.


    « Comme je suis très-décidé à ne pas reprendre la plume contre lui, quoiqu’il en ait une peur qui le jette dans des convulsions, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour avoir signées de sa main toutes les imputations qu’il prétend vouloir soutenir devant tout l’univers, afin de le poursuivre en justice réglée. Mais je n’ai pu avoir que des signatures imprimées qui ne prouvent rien, et qu’on peut toujours désavouer.

    « Je suis très-persuadé, monseigneur, que si cet homme a l’audace de tenter l’exécution du projet qu’il a formé de me perdre, vous ne me jugerez point sur les allégations même les plus spécieuses d’un implacable ennemi, ou d’autres personnes que son adroite méchanceté pourrait employer. Mais comme les déclamations véhémentes, le ton affirmatif, les tours artificieux de l’accusateur, pourraient laisser quelque fâcheuse impression contre l’accusé, j’ai cru devoir vous en prévenir, et opposer une protestation d’innocence au poids de son crédit, dont il me menace de m’accabler. Je ne sais de quels écrits il parle : je ne sais s’il en a forgé pour me perdre. Il vit près d’un pays où cette fraude lui serait aisée : et de quoi n’est-il pas capable, après avoir eu le front de m’attribuer sa Pucelle d’Orléans, après avoir imprimé que j’avais été condamné aux galères pour avoir pris l’habitude de tirer de mes mains adroites les bijoux des poches de mes voisins ; après avoir écrit à Mme de La Beaumelle et à son père des lettres dont chaque mot est un opprobre ?

    « Cependant je garde le silence : et depuis quinze ans que nos démêlés commencèrent et que je le réprimai vigoureusement, je n’ai rien écrit contre lui. Je suis bien déterminé à continuer de traiter ses libelles avec le même mépris ; mais qu’il me soit permis de pousser un cri auprès de vous, monseigneur, quand il ose me menacer d’employer la plus sainte des autorités à l’appui de la calomnie.

    « Quoi qu’il puisse m’imputer, depuis douze ans, c’est-à-dire depuis que je sortis de la Bastille, qu’il transforme pour moi en Bicêtre, je n’ai pas fait imprimer