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CORRESPONDANCE.

uniquement entre ses mains. Je sais que le triste procès de M. de Beaumont peut faire grand tort à la cause que vous soutenez. Le public n’est pas dupe : il verra trop que l’envie de briller lui a fait entreprendre la cause des Calas et des Sirven, et que l’intérêt lui fait réclamer la cruauté de ces mêmes lois, contre lesquelles il s’élève dans ses mémoires pour ses deux clients protestants. Ils sont tous révoltés, ils se plaignent amèrement. Cette contradiction frappante, qui les indigne, les refroidit beaucoup pour le pauvre Nervis ; mais leur ressentiment n’aura aucune influence sur le rapporteur et sur les juges.

Il n’est point du tout vrai que la communication avec Genève soit rétablie ; au contraire, les défenses de rien laisser passer sont plus sévères que jamais. On ouvre plusieurs lettres. J’ai heureusement reçu tous vos paquets, parce qu’on sait que nous sommes tous deux bons serviteurs du roi, et que nous ne nous mêlons d’aucune affaire suspecte. M. de Lamberta doit recevoir quelques instruments de mathématiques dans peu de jours.

Bélisaire, qui est, je crois, de M. Marmontel, a été reçu dans toutes les cours étrangères avec transport. Mes correspondants me mandent que l’impératrice de Russie l’a lu sur le Volga, où elle est embarquée[1]. On me mande aussi qu’elle a fait un présent considérable à Mme de Beaumont ; mais ce n’est pas la vôtre : c’est une Mme de Beaumont-Leprince[2], qui fait des espèces de catéchismes pour les jeunes demoiselles.

Il me semble qu’on ne connaît point encore hors de Paris le Supplément à la Philosophie de l’Histoire. Il est d’un nommé Larcher, ancien répétiteur du collège Mazarin, qui l’a composé sous les yeux de Riballier. Il n’est pas trop honnête qu’on permette de traiter de Capanée[3] feu l’abbé Bazin, qui était un homme très-pieux. On veut le faire passer dans la préface, page 33, pour un impie, parce qu’il a dit que la famine, la peste et la guerre, sont envoyées par la Providence[4]. Vous voyez bien que ces messieurs, qui osent nier la Providence, se rendent gaiement coupables de la plus horrible impiété quand ils en accusent leurs adversaires. Il est à croire que les mêmes personnes qui ont permis la rapso-

  1. Lettre du 29 de mai 1707, n° 6899.
  2. Marie Leprince, mariée à un M. de Beaumont, puis séparée d’avec lui, et connue sous le nom de Leprince de Beaumont, née à Rouen en 1711, morte à Chanavod (Savoie) en 1780. Elle est auteur de beaucoup d’ouvrages d’éducation.
  3. Voyez lettre 6877.
  4. Voyez tome XIX, page 318.