Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
280
CORRESPONDANCE.

nies et d’horreurs rassemblées, et ce que nous avons de plus auguste avili avec tant d’insolence. On n’oserait imaginer qu’un tel homme pût calomnier la cour impunément. Il est dans le pays de Foix, à Mazères. Peut-être un mot de vous pourrait le faire rentrer en lui-même.

Galien attend toujours la décision de son sort. Il a un frère, âgé de quatorze ans tout au plus, qui a été au Canada, à Alger, à Maroc, en qualité de mousse. Il est de retour, et est venu voir son frère ici : il y a resté sept ou huit jours ; et ensuite, avec une petite pacotille, il est retourné en Dauphiné chez ses parents, où l’aîné l’aurait bien voulu suivre, à ce qu’il m’a paru, pour peu de temps.

Peut-être ne savez-vous pas que j’ai donné la terre de Ferney à Mme Denis, et que je ne me suis réservé que la douceur de finir dans mon obscurité une vie mêlée de bien des chagrins, comme l’est la carrière de presque tous les hommes. Ce n’est qu’avec cette triste vie que finira le tendre et respectueux attachement que je vous ai voué jusqu’à mon dernier moment.

Je vous supplie instamment de me conserver vos bontés ; elles me sont nécessaires, par le prix que mon cœur y met ; elles sont la plus chère consolation du plus ancien serviteur que vous ayez.

6901. — À M. MOREAU DE LA ROCHETTE[1].
Au château de Ferney, par Genève, 1er juin.

Vous voulez, monsieur, que j’aie l’honneur de vous répondre sous l’enveloppe de monsieur le contrôleur général, et je vous obéis.

Il est vrai que j’avais fort applaudi à l’idée de rendre les enfants trouvés et ceux des pauvres utiles à l’État et à eux-mêmes. J’avais dessein d’en faire venir quelques-uns chez moi pour les élever. J’habite malheureusement un coin de terre dont le sol est aussi ingrat que l’aspect en est riant. Je n’y trouvai d’abord que des écrouelles et de la misère. J’ai eu le bonheur de rendre le pays plus sain en desséchant les marais. J’ai fait venir des habitants, j’ai augmenté le nombre des charrues et des maisons, mais je n’ai pu vaincre la rigueur du climat. Monsieur le contrôleur général m’invitait à cultiver la garance : je l’ai essayé ;

  1. François-Thomas Moreau de La Rochette, né en 1720, inspecteur général des pépinières royales de France, mort le 20 juillet 1791.