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CORRESPONDANCE.

comme elle doit répondre avec une voix entrecoupée :

C’est ce que je prétends, seigneur !


comme elle doit dire douloureusement :

Que son fatal aspect n’eûtEt plût aux dieux
Que son fatal aspect n’eût point blessé mes yeux[1] !

Relisez la pièce d’une tire, je vous en prie, et voyez si, étant jouée avec un concert unanime, par des acteurs intelligents et animés, elle ne doit pas attacher le spectateur d’un bout à l’autre. Voyez si le style n’est pas convenable au sujet ; si ce n’est pas une critique ridicule, et digne d’un Fréron, de vouloir qu’Obéide parle comme Sémiramis, Sozame comme Mahomet, et Indatire comme César.

On ne laisse pas de sentir un peu d’indignation de se voir si mal jugé. Ah ! Welches ! maudits Welches ! quand je vous donne du grand, vous dites que je suis boursouflé, et quand je vous donne du simple, vous dites que je suis bas. Allez, vous ne méritez pas les peines que je prends pour vous depuis cinquante années ; je vous abandonne à votre sens réprouvé.

Monsieur le marquis de Chauvelin, je vous demande pardon de ne vous avoir pas écrit. Lisez la pièce, en voilà trois exemplaires ; voyez l’effet qu’elle fera sur vous.

Messieurs, détrompez tant que vous pourrez les belles dames ; je les respecte fort, mais jamais je n’approuverai le monologue qu’elles demandent sur un amour adultère dont il ne faut pas dire un mot.

Et toi, pauvre Théâtre-Français, qui n’as qu’un seul acteur, et encore est-il trop gros ; toi qui n’approches pas de notre petit théâtre de Ferney, est-il possible que tu n’aies ni confident ni second rôle ? Ferme donc ta porte, malheureux !

Faites comme vous pourrez, mes anges ; mais venons-en à notre honneur, et mettez-moi dans l’occasion aux pieds d’Elochivis et de Nalrisp[2].

À l’égard de Valider[3], je crois que cette âme-là se soucie peu d’une tragédie, et que vous ne vivez pas le long du jour avec lui.

Le faiseur de buste a mandé qu’il avait envoyé, par une dili-

  1. Acte III, scène iii.
  2. Choiseul et Praslin.
  3. Laverdy.