Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
ANNÉE 1767

de toutes vos tragédies ! J’ai vu des tragédies et des panégyriques du jeune poëte[1] dont vous me parlez ; il a du feu et versifie bien. Je vous suis obligé de son épître, que vous voulez me communiquer. On m’a envoyé le Bélisaire de Marmontel. Il faut que la Sorbonne ait été de bien mauvaise humeur pour condamner l’envie que l’auteur a de sauver Cicéron et Marc-Aurèle. Je soupçonnerais plutôt que le gouvernement a cru apercevoir quelques allusions du règne de Justinien à celui de Louis XV, et que, pour chagriner l’auteur, il a lâché contre lui la Sorbonne, comme un matin accoutumé d’aboyer contre qui on l’excite.

Conservez-vous toutefois, et ménagez votre vieillesse dans votre quartier général de Ferney. Souvenez-vous qu’Archimède, pendant qu’on donnait l’assaut à la ville qu’il défendait, résolvait tranquillement un problème, et soyez persuadé que le roi Hiéron s’intéressait moins à la conservation de son géomètre que moi à celle du grand homme que le cordon des troupes françaises entoure.

Fédéric.
6877. — À M. D’ALEMBERT.
9 mai.

Si on vous a appelé Rabsacès[2], mon cher philosophe, on m’appelle Capanée[3]. Nos savants d’aujourd’hui prodiguent les titres « honorifiques. Je vous garderai le secret : dites-moi quel est le cuistre nommé Foucher[4] qui vient, dit-on, de faire un Supplément à la Philosophie de l’Histoire ? N’est-il pas de l’Académie des inscriptions et belles-lettres ? S’il y a des académies de politesse et de raison, je ne crois pas qu’il y soit reçu.

Je vous ai mandé[5] que je vous avais envoyé par M. Necker un volume de la Lettre au Conseiller ; mais Dieu sait quand M. Necker arrivera à Paris.

Faites-moi, je vous prie, réponse en droiture sur mon ami Foucher. Je ne sais qu’est devenu le libraire à qui on a donné la Destruction jésuitique. Nous avons quatre mille cinq cents soldats autour de Genève ; c’est la seule nouvelle que j’aie. Quand

  1. La Harpe.
  2. À la page 29 de la Lettre à un ami sur un écrit intitulé Sur la destruction des jésuites, par un auteur désintéressé.
  3. C’est dans la Préface de son Supplément à la Philosophie de l’Histoire (page 33 de la première édition, et 31 de la seconde) que Larcher appelle Voltaire « un Capanée ».
  4. Ce n’est point Foucher, mais Larcher.
  5. Si c’est par une lettre autre que le n° 6872, cette autre lettre manque. Il est possible toutefois que Voltaire entende parler du n° 6874 adressé à Damilaville qui communiquait à d’Alembert ce qu’il recevait de Voltaire.