Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
ANNÉE 1767

Je vous remercie tendrement, vous et Elochivis ; je suis terriblement vexé, et si on ne réprime pas l’insolence des commis, je serai obligé d’aller mourir ailleurs.

À propos de mourir, savez-vous, mon divin ange, que je n’ai guère de santé ? Mais qu’importe ! je suis aussi gai qu’homme de ma sorte. Je n’ai actuellement que la moitié d’un œil, et vous voyez que j’écris très-lisiblement. Je soupçonne avec vous que le tyran du tripot[1] a contre vous quelque rancune qui n’est pas du tripot. N’y a-t-il pas un fou de Bordeaux, nommé Vergy[2], qui aurait pu vous faire quelque tracasserie ? Ce monde est hérissé d’anicroches. Jean-Jacques est aussi fou que les d’Éon et les Vergy, mais il est plus dangereux.

N. B. Vous serez peut-être surpris que Luc[3] m’écrive toujours ; j’ai trois ou quatre rois que je mitonne : comme je suis fort jeune, il est bon d’avoir des amis solides pour le reste de la vie. Divin ange ! ces quatre rois ne valent pas seulement une plume de vos ailes.

Couple céleste, couple aimable, vous savez si vous m’êtes chers ! Mais ce que vous ne saurez jamais bien, c’est le bonheur et la félicité suprême que goûte mon cœur, des hommages purs qu’il vous rend chaque jour dans le temple d’Hyperdulie.

6853. — À M. MARIN.
22 avril.

Vous devez être bien ennuyé, monsieur, des misérables tracasseries de la littérature. Vous êtes plus fait pour les agréments de la société que pour les misères de ce tripot. En voici une que je recommande a vos bons offices. Vous êtes le premier qui m’ayez instruit de l’insolence des libraires de Hollande ; il est dans votre caractère que vous soyez le premier qui m’aidiez à confondre ces abominables impostures.

Puis-je vous supplier, monsieur, de vouloir bien faire rendre mes barbares[4] à l’avocat devenu libraire[5], qui plaide pour moi au bas du Parnasse ? Il me paraît un homme de beaucoup d’esprit, et plus fait pour être mon juge que pour être mon imprimeur.

  1. Le maréchal de Richelieu.
  2. Voyez tome XLIII, page 458.
  3. Le roi de Prusse.
  4. Les Scythes.
  5. Lacombe.