Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
CORRESPONDANCE.

arrêt du conseil n’est plus qu’une cérémonie. Il est vrai que cette cérémonie leur rendra leur bien, mais le public leur a déjà rendu leur honneur ! C’est à vous, monsieur, à qui nous en avons l’obligation, ainsi qu’à M. de Beaumont, et aux dix-neuf avocats dont la consultation est déjà regardée comme un arrêt. Ma récompense, à moi, pour tous les soins que je me suis donnés, est d’avoir reçu le témoignage de vos bontés.

J’ai l’honneur d’être, avec l’estime la plus respectueuse, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire,
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.
6848. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
19 avril.

Je devrais dépouiller le vieil homme[1] dans ce saint jour de Pâques, et me défaire du vieux levain ;

Mais enfin je suis Scythe, et le fus pour vous plaire[2].

Je plaide encore pour les Scythes, du fond de mes déserts. Voilà trois éditions de ces pauvres Scythes, celle des Cramer, celle de Lacombe, et une autre qu’un nommé Pellet vient de faire à Genève ; on en donnera pourtant bientôt une quatrième, dans laquelle seront tous les changements que j’ai envoyés à mes anges et à M. de Thibouville, avec ceux que je ferai encore, si Dieu prend pitié de moi. Je ne plains point ma peine ; mais voyez ma misère ! Toutes les lettres qu’on m’écrit se contredisent à faire pouffer de rire. Une des critiques les plus plaisantes est celle de quelques belles dames qui disent : Ah ! pourquoi Obéide va-t-elle s’aviser d’épouser un jeune Scythe, c’est-à-dire un Suisse du canton de Zug, lorsque dans le fond de son cœur elle aime Athamare, c’est-à-dire un marquis français ? — Mais, ô mes très-belles dames ! ayez la bonté de considérer que son marquis français est marié, et qu’elle ne peut savoir que madame la marquise est morte. Cette fille fait très-bien de chercher à oublier pour jamais un marquis qui a ruiné son pauvre père ; et ces vers que vous m’avez conseillés, et que j’ai ajoutés trop tard, ces vers assez passables, dis-je, répondent à toutes ces critiques :

  1. Saint Paul aux Éphésiens, iv, 22 ; et aux Colossiens, iii, 9.
  2. Vers des Scythes, acte V, scène ii.