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ANNÉE 1767

faudra probablement que je fasse le voyage de Wurtemberg, au mois de mai, pour aller arranger mes affaires avec la chambre des finances de ce pays-là, sur lequel j’ai une grande partie de mon bien ; après quoi je pourrai bien transplanter mes pénates à Lyon, jusqu’à ce que la guerre de Genève soit finie.

Nous avons passé tout à coup d’une grande abondance à une plus grande disette. J’ai eu grande raison de faire les Scythes, car je suis en Scythie. Je vous embrasse de tout mon cœur.

6834. — À M. LE PRINCE GALLITZIN,
ambassadeur de russie à paris.
À Ferney, 11 avril.

Monsieur, Votre Excellence ne doute pas à quel point son souvenir m’est précieux. Je vous suis attaché à deux grands titres, comme à l’ambassadeur de l’impératrice, et comme à un homme bienfaisant.

Je vous remercie de l’imprimé que vous avez bien voulu m’envoyer[1]. Sa Majesté impériale avait déjà daigné m’en gratifier il y a trois mois, avant qu’il fût public. Je n’y ai rien trouvé ni à resserrer ni à étendre. Cet ouvrage me paraît digne du siècle qu’elle fait naître. J’oserais bien répondre qu’elle fera goûter à son vaste empire tous les fruits que Pierre le Grand a semés. Ce fut Pierre qui forma l’homme, mais c’est Catherine II qui l’anime du feu céleste.

J’ai une opinion particulière sur l’affaire de Pologne, quoiqu’il ne m’appartienne guère d’avoir une opinion politique. Je crois fermement que tout s’arrangera au gré de l’impératrice et du roi, et que ces deux monarques philosophes donneront à l’Europe étonnée le grand exemple de la tolérance. Les pays qui ne produisaient autrefois que des conquérants vont produire des sages, et, de la Chine jusqu’à l’Italie (exclusivement), les hommes apprendront à penser. Je mourrai content d’avoir vu une si belle révolution commencée dans les esprits.

6835. — À MADAME LA MARQUISE DE FLORIAN.
Le 11 avril.

Famille aimable, je vous embrasse tous. J’aimerais mieux assurément être Picard que Suisse ; et, pour comble de désa-

  1. C’était le manifeste de Catherine sur les dissensions de Pologne.