Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vaut cent fois mieux que la divinité ; si vous voulez faire des miracles, tâchez seulement de rendre votre climat un peu plus chaud. À voir tout ce que Votre Majesté fait, je croirai que c’est pure malice à elle si elle n’entreprend pas ce changement : j’y suis un peu intéressé, car, dès que vous aurez mis la Russie au trentième degré, au lieu des environs du soixantième, je vous demanderai la permission d’y venir achever ma vie ; mais, en quelque endroit que je végète, je vous admirerai malgré vous, et je serai avec le plus profond respect, madame, de Votre Majesté impériale, etc.

6772. — À M. DAMILAVILLE.
27 février.

En réponse à votre lettre du 21, mon cher ami, je vous dirai d’abord que j’ai été plus occupé que vous ne pensez de l’abominable calomnie qu’un homme en place a vomie contre vous. J’ai écrit à un de ses parents[1] d’une manière très-forte qui ne compromet personne, et qui ne laisse pas même soupçonner que vous soyez instruit de ce procédé infâme. Vous êtes d’ailleurs à portée d’employer des gens de mérite qui le détromperont ou qui le désarmeront.

J’admire sous quelles formes différentes le fanatisme se reproduit : c’est un Protée né dans l’enfer, qui prend toutes sortes de figures sur la terre. Je ne suis pas fâché de l’éclat qu’on a voulu faire contre Bélisaire. On ne peut que se rendre ridicule et odieux en attaquant une morale si pure. Les ennemis de la raison achèvent d’amonceler des charbons ardents sur leur tête ; le livre qu’ils attaquent en sera plus connu et plus goûté. Dieu et la raison savent tirer le bien du mal.

Je crois enfin l’affaire de M. Lembertad finie ; ce n’a pas été sans peine. La communication entre nous et Genève est absolument interdite, et sans les bontés de M. le duc de Choiseul, nous mourrions de faim, après avoir fait vivre tant de monde.

J’ai été très-content de la conversation du curé et du marguillier[2], dans laquelle on rend justice aux vues saines et patriotiques du ministère. Plus la permission qu’il a donnée d’exporter

  1. Cette lettre manque.
  2. Dialogue d’un curé de campagne avec son marguillier, au sujet de l’édit du roi qui permet l’exportation des grains ; par M. Gérardin, curé de Rouvre en Lorraine, 1767, in-8o.