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6152. — À M. MARMONTEL.
16 février.

Bélisaire arrive ; nous nous jetons dessus, maman et moi, comme des gourmands. Nous tombons sur le chapitre quinzième ; c’est le chapitre de la tolérance, le catéchisme des rois ; c’est la liberté de penser soutenue avec autant de courage que d’adresse ; rien n’est plus sage, rien n’est plus hardi. Je me hâte de vous dire combien vous nous avez fait de plaisir. Nous nous attendons bien que tout le reste sera de la même force, car vous ne pouvez penser qu’avec votre esprit, et écrire que de votre style. Je vous en dirai davantage quand j’aurai tout lu.

Je vous demande votre indulgence pour la tragédie des Scythes. Elle est d’un jeune homme qui ne devrait pas faire de pièce de théâtre à son âge ; mais comme il essuyait une espèce de petite persécution[1], il a cru devoir imiter Alcibiade, qui fit couper la queue à son chien pour détourner les caquets.

Grand merci, encore une fois, de votre beau chapitre ; vous venez de rendre service au genre humain. Dieu vous préserve des regards malins !

Je vous quitte pour entendre la lecture du reste. Bonsoir, mon très‑cher confrère.

6753. — À M. ÉLIE DE BEAUMONT.
À Ferney, le 16 février.

Mon cher Cicéron, vous venez de faire pleurer le bonhomme Sirven de tendresse et de reconnaissance. Recevez mes nouveaux remerciements ; ajoutez à toutes vos bontés celle de dire à M. Target[2], votre ami, combien je suis touché de ce qu’il veut élever sa voix en faveur des filles de Sirven. Je vous réponds que ce bonhomme ne s’adressera pas à d’autres qu’à vous. Les Calas étaient conduits par cinq ou six protestants du Languedoc, et Sirven n’a d’appui que moi ; il ne peut ni ne doit se conduire que par mes conseils et par vos ordres.

Vous savez avec quelle impatience j’attends votre mémoire imprimé. Il n’y a certainement pas un instant à perdre. M. Chardon

  1. Dans l’affaire Le Jeune.
  2. Gui‑Jean-Baptiste Target, né le 17 décembre 1733, mort le 7 septembre 1807. Il avait été membre de l’Assemblée constituante.