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rage à mesure que le jour de la raison commence à faire. J’espère que du moins, cette fois-ci, les parlements combattront pour la philosophie sans le savoir. Ils sont forcés de soutenir les droits du roi contre les usurpations des évêques. On ne s’était pas douté que la cause des rois fût celle des philosophes ; cependant il est évident que des sages qui n’admettent pas deux puissances sont les premiers soutiens de l’autorité royale. La raison dit que les prêtres ne sont faits que pour prier Dieu ; les parlements sont en ce point d’accord avec la raison.


Grâce aux préventions de leur esprit jaloux,
Nos plus grands ennemis ont combattu pour nous[1].


J’ai passé des jours délicieux avec frère Damilaville, et je voudrais vivre et mourir entre vous et lui. Ne pouvant remplir ce désir, je souhaite au moins que les sages de Paris soient unis entre eux.

Cinq ou six personnes de votre trempe suffiraient pour faire trembler l’inf… et pour éclairer le monde. C’est une pitié que vous soyez dispersés sans étendard et sans mot de ralliement. Si jamais vous faites quelque ouvrage en faveur de la bonne cause, frère Damilaville me le fera tenir avec sûreté ; vous ne serez pas compromis par des bavards comme vous l’avez été.

On mettra le nom de feu M. Boulanger à la tête de l’ouvrage. Vous êtes comptable de votre temps à la raison humaine. Ayez l’inf… en exécration, et aimez-moi ; comptez que je le mérite par les sentiments que j’aurai pour vous jusqu’au jour où je rendrai mon corps aux quatre éléments ; ce qui arrivera bientôt, car j’ai une faiblesse continue avec des redoublements.


6138. — À M.  DAMILAVILLE.
16 octobre.

J’ai passé de beaux jours avec vous, mon cher frère ; il me reste les regrets, mais il me reste aussi la douceur du souvenir, et l’espérance de vous revoir encore avant que je meure. Qui vous empêcherait, par exemple, de revenir un jour avec M. et Mme  de Florian ? Vous savez combien ils vous aiment, car vous avez gagné tous les cœurs. J’ai reçu votre lettre de Dijon, et Mme  de Florian ne vous rendra la mienne qu’à Paris. Je me

  1. Britannicus, acte V, scène i.