Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire l’effet du pardon d’Auguste à Cinna, parce que Pompée a raison et que Cinna a tort, et surtout parce que ceux qui sont venus les premiers ne laissent point de place à ceux qui viennent les seconds.

Je sais bien que j’ai été un peu trop loin avec Mlle  Clairon[1] ; mais j’ai cru qu’il fallait un tel baume sur les blessures qu’elle avait reçues au For-l’Évêque. Elle m’a paru d’ailleurs aussi changée dans ses mœurs que dans son talent ; et plus on a voulu l’avilir, et plus j’ai voulu l’élever.

J’espère qu’on me pardonnera un peu d’enthousiasme pour les beaux-arts ; j’en ai dans l’amitié, j’en ai dans la reconnaissance.


6111. — À M.  LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[2].
18 septembre 1765, à Ferney.

J’ai reçu de mon mieux vos deux conseillers, mon cher président, tout malade que je suis. Je m’intéresse vivement aux progrès de votre Académie ; vous l’avez établie et vous la perfectionnez. Je ne peux que vous applaudir de loin. Si vos magistrats avaient pu rester quelque temps dans nos cantons, ils auraient vu chez moi une assez bonne comédie, qui se soutient malgré le départ de Mlle  Clairon. Il faut avouer que cette Mlle  Clairon est bien étonnante ; en vérité je n’avais point d’idée d’un jeu si supérieur. Toutes les actrices que j’avais vues jusqu’à présent, excepté Mlle  Dumesnil, n’étaient que de froides marionnettes.

J’aurais bien voulu vous tenir à Ferney avec monsieur l’ancien premier président de La Marche, votre ami. Je fais bâtir deux ailes pour vous mieux recevoir si jamais vous revenez dans nos déserts.

Conservez-moi des bontés qui seules peuvent me consoler de votre absence.


6112. — À M.  D’ALEMBERT.
18 septembre.

Mon cher et digne philosophe, vous avec donc enfin votre pension. Vous avez sans doute bien remercié de la manière galante dont on vous l’a donnée. On ne peut rien ajouter à la

  1. Dans l’Épître à mademoiselle Clairon.
  2. Éditeur, Th. Foisset.