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ANNÉE 1766.

nérale, que vous vous êtes réjoui fort agréablement à ses dépens dans la Lettre à Pansophe, vous auriez une absolution pléniére, sans être obligé ni à la pénitence ni au repentir, et vous seriez certainement sauvé chez tous les gens de lettres.

Je ne trouve donc dans cette publication de la Lettre à Pansophe d’autre défaut, sinon qu’elle me met en contradiction avec moi-même comme Jean-Jacques. Je dis à M. Hume[1] qu’il y a plus de sept ans que je n’ai écrit à ce polisson, et cela est très-vrai. La Lettre à Pansophe semble me convaincre du contraire. Vous m’avez toujours marqué de l’amitié : je vous en demande instamment cette preuve. La Lettre à Pansophe vous fait honneur, et me ferait du tort. Vous avouez l’ode[2] que vous avez mise sous mon nom ; avouez donc aussi la prose, et croyez qu’en vers et en prose je connais tout votre mérite, et que je vous suis tendrement attaché.


6616. — À M. DAMILAVILLE.
15 décembre.

J’ai reçu à la fois, mon cher ami, vos lettres du 6 et du 8 de décembre. Il y a de la destinée en tout : la vôtre est de faire du bien, et même de réparer le mal que la négligence des autres a pu causer. Il est très-certain que si M. de Beaumont n’avait pas abandonné pendant dix-huit mois la cause des Sirven, qu’il avait entreprise, nous ne serions pas aujourd’hui dans la peine où nous sommes. Il ne lui fallait que quinze jours de travail pour achever son mémoire : il me l’avait promis. Ce mémoire lui aurait fait autant d’honneur que celui de M. de La Luzerne lui a causé de désagrément. Ce fut dans l’espérance de voir paraître incessamment le factum des Sirven que l’on composa l’Avis au public[3]. C’est cet Avis au public qui a valu aux Sirven les deux cent cinquante ducats que vous avez entre les mains, les cent écus du roi de Prusse, et quelques autres petits présents qui aideront cette famille infortunée. J’ai empêché, autant que je l’ai pu, que le petit Avis entrât en France, et surtout à Paris ; mais plusieurs voyageurs y en ont apporté des exemplaires ; ainsi ce qui nous a servi d’un côté nous a extrêmement nui de l’autre.

Voilà le triste effet de la négligence de M. de Beaumont. Je vous prie de lui bien exposer le fait, et surtout de lui dire, ainsi

  1. Voyez tome XXVI, page 29.
  2. L’Ode sur la guerre.
  3. Voyez tome XXV, page 317.