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marquis de Chauvelin, à qui j’épargne une lettre inutile, et à qui je suis bien tendrement attaché.

Je vous demande pardon de tout le tracas que je vous ai donné pendant quinze jours. Je suis au bout de vos ailes pour le reste de ma vie.


6605. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
8 décembre.

Je vous renvoie, monsieur le marquis, votre Lettre à M. le comte de Périgord[1], que vous avez bien voulu me communiquer. J’en ai tiré une copie, selon la permission que vous m’en donnez. Cette lettre est bien digne d’une âme aussi noble et aussi généreuse que la vôtre. Elle est simple, et c’est le seul style qui convienne à la vérité, quand on écrit à ses amis. Tous les faits que vous rapportez sont incontestables. Je ne doute pas que M. le comte de Périgord ne trouve fort bon que vous lui adressiez cette lettre, et que vous la rendiez publique. Pour moi, je vous avoue que je n’affecte point avec vous une fausse modestie, et que je vous ai une très-grande obligation.

Le livre du jésuite Nonotte[2] vient d’être réimprimé sous le titre d’Amsterdam : mais l’édition est d’Avignon. Les partisans des prétentions ultramontaines soutiennent ce livre ; mais ces prétentions ultramontaines, qui offensent nos rois et nos parlements, n’ont pas un grand crédit chez la nation. C’est servir la Religion et l’État que d’abandonner les systèmes jésuitiques à leurs ridicules.

Votre lettre à M. le comte de Périgord m’a tellement échauffé la tête et le cœur que je vous ai répondu en vers par une Ode[3] dont voici une strophe :

Qu’il est beau, généreux d’Argence,
Qu’il est digne de ton grand cœur,
De venger la faible innocence
Des traits du calomniateur !

  1. Le comte de Périgord, prince de Chalais, depuis 1753, gouverneur du haut et bas Berry. Cet le lettre devait être relative aux affaires des Calas et des Sirven. Voltaire en reparle dans la lettre à d’Alembert du 4 juin 1769 : la distance entre cette dernière lettre et celle à d’Argence de Dirac me paraît bien grande. (B.)
  2. Les Erreurs de M. de Voltaire.
  3. L’Ode à la Vérité ; voyez tome VIII.