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ANNÉE 1766.

koucke ? En ce cas, il est digne de seconder le docteur Pansophe.

Encore un petit mot : M. de Beaumont a-t-il vu l’Avis au public[1] ?


6595. — À M. BORDES.
À Ferney, 29 novembre.

Il y a longtemps, monsieur, que vous êtes mon Mercure, et que je suis votre Sosie, à cela près que je vous aime de tout mon cœur, et que vous ne me battez pas. Vous connaissez une ode sur la guerre[2], dans laquelle il y a tant de strophes admirables. On l’a imprimée sous mon nom : je serais trop glorieux si je l’avais faite. Il y a une certaine Profession de foi philosophique[3] digne des Lettres provinciales. Je voudrais bien l’avoir faite encore. Je n’aurais pas cependant attribué à Jean-Jacques du génie et de l’éloquence comme vous faites dans la note qu’on trouve à la dernière page de votre Profession de foi. Je ne lui trouve aucun génie. Son détestable roman d’Héloïse en est absolument dépourvu ; Émile, de même ; et tous ses autres ouvrages sont d’un vain déclamateur qui a délayé dans une prose souvent inintelligible deux ou trois strophes de l’autre Rousseau, surtout celle-ci :

Couché dans un antre rustique,
Du nord il brave la rigueur,
Et notre luxe asiatique
N’a point énervé sa vigueur.
Il ne regrette point la perte
De ces arts dont la découverte
À l’homme a coûté tant de soins,
Et qui, devenus nécessaires,
N’ont fait qu’augmenter nos misères
En multipliant nos besoins[4].

Jean-Jacques n’est qu’un malheureux charlatan qui, ayant volé une petite bouteille d’élixir, l’a répandue dans un tonneau de vinaigre, et l’a distribuée au public comme un remède de son invention.

Je voudrais bien avoir fait encore la Lettre au docteur Pansophe.

  1. l’Avis au public sur les parricides imputés aux Calas et aux Sirven ; voyez tome XXV, page 517.
  2. Par Bordes.
  3. Par le même.
  4. J. -B. Rousseau, livre II, ode ix, strophe neuvième.